Jane Austen Léon Boucher |
Paul Léon Philippe Boucher (Bruxelles, 1838-?) fu professore di Letterature straniere nella facoltà di Lettere dell'Università di Besançon dal 1874 al 1885. Scrisse diversi saggi e articoli sulla letteratura inglese, tra i quali una Histoire de la littérature anglais, Garnier frères, Paris, 1890, e un volume su William Cowper: William Cowper: sa correspondance et ses poésies, Sandoz & Fischbacher, Paris, 1874.
L'articolo che segue, apparve in Revue des Deux Mondes, XLVIIIe année. - Troisième période, tome XXIX, 1er septembre 1878, pagg. 449-67.
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LE ROMAN CLASSIQUE JANE AUSTEN The Works of Jane Austen, with a memoir di Léon Boucher
Un étranger qui visitait la cathédrale de Winchester demandait un jour qu’on lui montrât la tombe de miss Austen. « Monsieur, répondit le bedeau en lui désignant du doigt la plaque de marbre noir sous laquelle repose l’auteur de Mansfield Park, pourriez-vous me dire ce que cette dame avait de remarquable ? Tout le monde maintenant veut savoir où elle est enterrée. » Cette question, assez naturelle d’ailleurs dans la bouche de celui qui la faisait, aurait, il y a quelques années, embarrassé plus d’une personne. La justice littéraire, qui ressemble aussi à la divinité boiteuse dont parle le poète, est venue tard pour Jane Austen, et peu de réputations ont été plus lentes que la sienne à mûrir. Bien des gens ignoraient encore le nom de l’aimable écrivain lorsqu’en 1843 Macaulay, grand lecteur de romans, comme on sait, ne craignit pas, dans son essai sur Mme d’Arblay, de déclarer que parmi ceux qui s’étaient approchés de Shakspeare il fallait mettre « l’étonnante créature » à laquelle, sur la fin de sa vie, il devait accorder un hommage plus éclatant encore, en se plaignant de ne pouvoir, faute de matériaux, tracer son portrait. Depuis lors, et bien que personne ne se soit rencontré pour mener à bien une entreprise que rendait redoutable ce regret du maître essayiste, Jane Austen a pas à pas conquis sa place dans l’estime des esprits d’élite, qui finissent presque toujours en définitive par guider l’opinion publique, et cette place est belle. La fille du pasteur de Steventon, inconnue pour ainsi dire pendant les quarante ans qu’elle a passés sur cette terre, n’a rien perdu pour attendre. On lui a longtemps préféré, dans l’art de peindre les mœurs, des rivales heureuses dont la génération présente sait à peine les noms ; mais aujourd’hui c’est de son côté que penche la balance, et, si ses contemporaines autrefois célèbres eurent du talent, on est bien forcé de reconnaître que seule elle eut du génie. C’est là le secret de l’intérêt qui s’attache après plus d’un demi-siècle à sa personne, et celui de la faveur avec laquelle on a récemment accueilli, tout imparfaite qu’elle fût, la biographie composée par son neveu pour une édition complète de ses œuvres. Jane Austen en effet n’avait pas d’histoire, et la légende même était muette sur son compte, grave inconvénient à une époque où la curiosité du détail intime devient de jour en jour plus impertinente. Grâce à M. Austen Leigh, on sait maintenant tout ce qu’on pourra jamais savoir, et c’est fort peu de chose, sur la femme modeste qui a donné à l’Angleterre quelques-unes de ses jouissances littéraires les plus pures. Le biographe inexpérimenté, c’est le titre qu’il se donne, a eu beau recueillir ses propres souvenirs et y ajouter ceux de ses amis, il n’a pas réussi à découvrir le plus petit bout de roman dans la vie d’une romancière qui semble avoir pris autant de soin pour cacher sa personnalité que d’autres mettent d’empressement à découvrir la leur. Peut-être n’y a-t-il là qu’un charme de plus. Au portrait de fantaisie qu’un parent moins soucieux de la vérité aurait pu faire accepter sans peine, les vrais admirateurs de Jane Austen préféreront le simple pastel dont M. Austen Leigh a tâché de faire revivre les traits effacés par le temps. |
IL ROMANZO CLASSICO JANE AUSTEN The Works of Jane Austen, with a memoir di Léon Boucher
Un giorno, un forestiero in visita alla cattedrale di Winchester chiese di vedere la tomba di Miss Austen. "Signore", rispose il custode indicandogli la lapide di marmo sotto la quale riposa l'autrice di Mansfield Park, "potreste dirmi che cosa aveva di speciale questa signora? Ormai tutti vogliono sapere dove è sepolta." (1) Questa domanda, all'epoca molto naturale in bocca a colui che l'aveva fatta, avrebbe, qualche anno fa, messo in imbarazzo più di una persona. La giustizia letteraria, che somiglia molto alla divinità zoppa della quale parla il poeta, è arrivata troppo tardi per Jane Austen, e poche reputazioni sono state più lente della sua a maturare. Molti ignoravano ancora il nome dell'amabile scrittrice quando, nel 1843, Macaulay, come si sa grande lettore di romanzi, non ebbe alcun timore di dichiarare, nel suo saggio su Mme d'Arblay, che tra coloro che si erano avvicinati a Shakespeare era d'obbligo mettere "la stupefacente creatura" alla quale, sul finire della sua vita, concesse un omaggio ancora più lampante, lamentando di non essere in grado, per mancanza di materiale, di tracciarne il ritratto. (2) Da allora, e nonostante non ci fosse stato nessuno a portare a termine la difficile impresa che aveva provocato il rammarico dell'eminente saggista, Jane Austen ha man mano conquistato il suo posto nella considerazione degli spiriti elevati, che quasi sempre diventano in pratica le guide dell'opinione pubblica, ed è un posto molto bello. La figlia del pastore di Steventon, per così dire sconosciuta durante i quaranta anni che trascorse su questa terra, non ha perduto nulla nell'attesa. A lungo, nell'arte di descrivere i caratteri, le sono stati preferiti degli ottimi rivali dei quali la generazione attuale conosce appena il nome; ma oggi la bilancia pende dalla sua parte, e, se i suoi contemporanei un tempo celebri ebbero del talento, si deve riconoscere che solo a lei appartiene il genio. È là il segreto dell'interesse che dopo più di mezzo secolo suscita la sua persona, nonché il favore con il quale è stata recentemente accolta, per quanto imperfetta fosse, la biografia scritta dal nipote in occasione di un'edizione completa delle sue opere. Di Jane Austen in effetti non si aveva una storia personale, e anche la leggenda era rimasta muta, grave inconveniente in un'epoca in cui la curiosità sui dettagli intimi diventa di giorno in giorno più sfacciata. Grazie a M. Austen Leigh, si sa ora tutto ciò che non si sarebbe mai potuto sapere, ed è ben poca cosa, sulla donna modesta che ha donato all'Inghilterra alcuni dei suoi godimenti letterari più puri. Il biografo inesperto, così si è definito, che ha messo insieme i propri ricordi e vi ha aggiunto quelli dei parenti, non è riuscito a scoprire la minima traccia romanzesca nella vita di una romanziera che sembra aver accuratamente occultato la sua persona, tanto quanto altri si mettono d'impegno nel rivelare la loro. Forse questo non è che un fascino ulteriore. A un ritratto di fantasia che un parente meno attento alla verità avrebbe potuto far accettare senza difficoltà, i veri ammiratori di Jane Austen preferiscono il semplice acquerello con il quale M. Austen Leigh ha cercato di far rivivere lineamenti offuscati dal tempo. |
I.
« Personne n’aurait jamais supposé, en voyant dans son enfance Catherine Morland, qu’elle était née pour devenir une héroïne. Sa position sociale, le caractère de son père, celui de sa mère, son propre tempérament, tout était contre elle. Son père était un respectable pasteur, de fortune indépendante et nullement enclin à enfermer ses filles. Sa mère était une femme de sens qui avait l’humeur gaie, et, chose plus remarquable, une forte constitution. Elle avait eu trois fils avant la naissance de Catherine, et au lieu de mourir en mettant celle-ci au monde, comme chacun aurait pu s’y attendre, elle vécut assez pour avoir encore six enfans et les voir grandir autour d’elle, tout en jouissant elle-même d’une excellente santé. Une famille de dix enfans sera toujours ce qu’on appelle une belle famille, surtout lorsqu’il s’y trouve un nombre correspondant de têtes, de bras et de jambes ; mais c’était là le seul droit que les Morland eussent à ce titre, car en général ils avaient l’air assez commun. » Dans ce début ironique de l’un de ses premiers ouvrages, il n’est pas probable que miss Austen ait voulu faire allusion à sa propre famille, et cependant on ne peut s’empêcher de trouver une certaine ressemblance entre la position de son héroïne imaginaire et sa propre situation. Comme Catherine Morland, elle faisait partie d’une nombreuse famille, et rien n’indiquait en elle la femme destinée à la gloire. Son père, George Austen, était pasteur de village, dans le Hampshire ; il avait, suivant l’usage de l’époque, deux cures, mais cette pluralité de bénéfices n’était pas pour l’enrichir, car les paroissiens réunis des deux hameaux ne dépassaient pas le chiffre de trois cents, et pour aller de Deane à Steventon les chemins étaient si mauvais qu’on ne pouvait se servir que de charrettes. Ce fut du moins avec un véhicule de ce genre que le recteur (M. Austen portait ce titre), après y avoir mis ses meubles et sa femme, fit son déménagement lorsqu’il alla s’établir définitivement à Steventon. Au reste, dans certaines parties de l’Angleterre, les routes étaient alors tellement négligées qu’il ne fallait rien moins qu’une occasion solennelle, un mariage ou un enterrement, par exemple, pour qu’on s’avisât d’en combler les ornières. S’il était difficile d’arriver à Steventon, à certains égards il était méritoire d’y rester, car la société qu’on y trouvait, composée de propriétaires terriens, petits ou grands, n’offrait, vu l’ignorance et la grossièreté communes à cette époque, que des ressources assez restreintes. Quel ne devait pas être l’embarras d’un lettré, d’un ancien fellow d’Oxford, comme l’était M. Austen, quand son opulent voisin, le squire, venait lui dire : « Vous qui savez toutes ces sortes de choses, renseignez-nous donc. Est-ce Paris qui est en France, ou si c’est la France qui est dans Paris ? Nous nous querellons toujours à ce sujet, ma femme et moi. » Il ne lui restait, tout en accomplissant les devoirs de sa charge, qu’à se renfermer dans le cercle de sa famille et à faire l’éducation de ses enfans, ce qui n’était pas une sinécure, car Jane Austen avait une sœur et cinq frères. Deux de ces derniers, Francis et Charles, se distinguèrent dans une période brillante de l’histoire de la marine anglaise et parvinrent à des grades élevés. Quant aux autres, ils ont fait moins grande figure dans le monde. On sait peu de chose sur l’enfance et la jeunesse de miss Austen, qui s’écoulèrent au presbytère de Steventon avec une monotonie bien faite pour désespérer la patience d’un biographe. Le bonheur domestique ne se raconte pas, et pendant vingt-cinq ans rien ne semble être venu troubler la modeste prospérité des Austen. Située au milieu d’une contrée peu pittoresque, la maison du recteur était d’une simplicité toute rustique : aucunes corniches n’y séparaient les murs des plafonds, et les poutres des planchers étalaient sans façon le blanc de chaux dont elles étaient revêtues. Du jardin partaient deux allées plantées d’arbres où croissaient l’anémone et l’hyacinthe sauvage. Devant le presbytère s’étendait une terrasse, et derrière la maison on avait des prairies avec quelques bouquets de bois pour horizon. Tel fut le berceau du génie de Jane Austen. Quant à l’éducation qu’on lui donna, il est probable qu’elle ne différa pas sensiblement de celle que recevaient alors les jeunes filles et qui paraîtrait aujourd’hui bien insuffisante. De ce que la plupart de ses héroïnes ont pour la harpe et pour la danse une passion exagérée, il ne faudrait pas conclure que miss Austen ait excellé dans les arts d’agrément. Elle savait le français, grâce surtout à une cousine plus âgée qu’elle, qui, élevée à Paris, avait épousé un certain comte, lequel était mort sur l’échafaud pour avoir, disait-on, converti en pâturages des terres labourables avec l’intention de jouer un mauvais tour au gouvernement républicain. La jeune comtesse, une fois veuve, était revenue en Angleterre et avait vécu quelque temps chez son oncle où sa vivacité toute parisienne était fort appréciée. Elle prenait part aux divertissemens de la famille et tenait le premier rôle dans les pièces de théâtre que les fils de M. Austen s’amusaient à représenter, en été dans la grange, en hiver dans la salle à manger. Jane Austen avait alors quinze ans, et l’on peut supposer que, simple spectatrice, elle faisait dans son coin ample provision de souvenirs. Ceux qui ont lu Mansfield Park savent du moins avec quelle vérité elle a dépeint les rivalités d’une troupe d’amateurs et les déboires particuliers à ce genre de plaisir. Ce fut peut-être alors que le goût de la composition littéraire s’éveilla chez elle, bien que l’on ignore à quelle époque elle commença de remplir les cahiers, restés par bonheur inédits, où elle déposait les fruits de sa verve inexpérimentée. Elle n’avait pas encore atteint sa seizième année que ces essais, vers ou prose, formaient déjà un assez gros volume. Le fond en était puéril, mais la forme en était déjà très pure et très simple, ce qui est assez rare pour être noté, car ordinairement ce n’est point par la simplicité du style qu’on débute. Malgré cette précocité peu commune, Jane Austen ne se montra pas empressée de chercher un éditeur. Elle ne paraît avoir songé que beaucoup plus tard à publier ses romans. La gloire n’entrait pas dans ses rêves de jeune fille, et si elle écrivait, c’était sans doute pour obéir à une sorte d’instinct. Autant qu’on en peut juger par ses lettres et par les souvenirs de ses contemporains, elle était plus portée à l’enjoûment qu’à la mélancolie, et rien ne prouve qu’elle ait eu la moindre ambition. Sa famille suffisait à son affection, et les ridicules de ses voisins à son talent d’observation. On nous la représente, vers sa vingtième année, comme une belle fille aux traits réguliers, pleine d’animation et de grâce. Comment il s’est fait qu’avec ses agréments, son intelligence et sa raison, elle n’ait rencontré sur sa route aucun de ces jeunes hommes qu’elle aime à décrire et qui mettent, étant riches, tant d’ardeur à épouser des filles qui ne le sont pas, on l’ignore. On voudrait savoir si celle qui a tant de fois fait parler la passion de l’amour aima jamais elle-même ou fut aimée à son tour ; mais il ne paraît pas, possible de satisfaire sur ce point une légitime curiosité. Son neveu assure qu’elle ne passa point dans la vie sans avoir été l’objet d’une vive affection, et que toute jeune encore elle repoussa la demande d’un homme qui, possédant toutes les qualités morales et tous les avantages matériels, n’avait pas eu l’art de toucher son cœur. Il ajoute qu’un autre prétendant aurait peut-être été plus heureux si une mort prématurée n’eût interrompu des projets auxquels miss Austen se montrait moins défavorable ; mais il avoue avec une grande franchise que les allusions faites par Cassandra Austen à cet épisode de la jeunesse de sa sœur étaient trop discrètes et trop vagues pour qu’on pût deviner jusqu’où les sentimens de celle-ci s’étaient trouvés engagés. Suivant un autre témoignage qui paraît d’abord tout désintéressé, Jane Austen, il faut le dire, n’aurait été ni aussi difficile à toucher, ni même aussi réservée. Miss Russell Mitford a parlé d’elle à plusieurs reprises dans sa correspondance, et sur la foi de sa mère, qui avait vécu dans le voisinage de Steventon, elle fait de la « vieille fille ou plutôt de la jeune dame » un portrait probablement plus piquant que fidèle. S’il fallait en croire miss Mitford, Jane Austen, après avoir été la plus jolie, la plus sotte et la plus affectée de toutes les jeunes personnes qui chassent aux maris, serait devenue le type « le plus perpendiculaire, le plus précis et le plus taciturne » du bonheur dans le célibat. « Jusqu’à ce que la publication de Pride and Prejudice eut fait voir quel joyau cachait cet inflexible étui, on ne lui accordait pas plus d’attention qu’à un écran ou à un tisonnier. Il n’en est plus de même aujourd’hui ; c’est encore un tisonnier, mais un tisonnier dont chacun a peur. Il faut avouer que l’observation silencieuse d’une pareille observatrice a quelque chose de terrible. » L’éditeur des lettres de Mary Russell Mitford s’est cru obligé de protester dans une note contre cette métaphore peu charitable. Peut-être la précaution était-elle inutile. Que Jane Austen ait eu ses travers, cela est probable ; le peu qu’on sait d’elle suffit pour affirmer qu’elle ne fut ni frivole, ni ridicule. Le seul trait de cette mordante esquisse qui soit vraisemblable, c’est le silence redoutable qu’on lui prête. Il ne paraît pas en effet qu’elle ait jamais tenu à briller, même dans la petite société de province où s’écoulait son existence. Lorsque son père, au printemps de 1801, eut pris la résolution d’abandonner sa cure à son fils et de se retirer à Bath, ce fut pour elle un cruel chagrin ; cette nouvelle résidence, alors le rendez-vous des gens élégans, ne compensait pas à ses yeux la perte de la rustique demeure où elle avait vécu vingt-cinq années. Trois lettres adressées par elle à sa sœur nous font entrevoir ce qu’on pourrait appeler la période mondaine de sa vie, c’est-à-dire quelques bals, quelques soirées passées tranquillement à boire du thé avec des dames. Cette période fut d’ailleurs très courte. Son père étant mort au commencement de 1805, elle alla habiter Southampton avec sa mère et sa sœur, et après quatre années d’un séjour sur lequel on n’a aucun détail, les trois femmes s’établirent à Chawton, dans un cottage que leur offrait Edward Austen, second fils du recteur de Steventon, que la succession d’un cousin avait enrichi. Ce fut là que miss Austen retoucha et publia les ouvrages qui devaient la rendre célèbre et dont quelques-uns étaient composés depuis un certain temps. Dès 1797 en effet, elle avait chargé son père d’offrir le manuscrit d’Orgueil et Prévention à un éditeur en renom. Celui-ci n’avait fait qu’une seule infraction à une tradition aussi vieille que le monde ; il s’était hâté de décliner l’offre par le retour du courrier. Le sort d’un autre roman avait été plus humiliant encore. L’auteur l’avait vendu pour dix livres sterling à un libraire entreprenant de Bath qui, manquant de courage au dernier moment, avait mieux aimé perdre cette somme que de risquer la publication de Northanger Abbey. Ces deux tentatives malheureuses ne découragèrent pas la jeune fille au point de lui faire brûler ses œuvres dédaignées. Elle écrivait pour son plaisir bien plus que pour l’honneur ou le profit. Elle remit ses pauvres cahiers dans son portefeuille et attendit tranquillement une occasion plus favorable où des éditeurs moins méfians. Une fois installée, et pour toujours, à Chawton, elle reprit ses habitudes paisibles de composition, interrompues on ne sait pourquoi pendant tout le temps qu’elle avait passé soit à Bath, soit à Southampton, et personne ne fit jamais moins étalage de pareilles occupations. Hors sa famille, nul n’aurait pu soupçonner que la petite maison de Chawton renfermait une femme auteur, tant elle réussissait à cacher, même aux yeux des domestiques, le genre d’étude auquel elle se livrait. Comme elle n’avait point de cabinet de travail à sa disposition, c’était dans la chambre commune qu’elle écrivait, sur un petit pupitre en acajou, couvrant de ses caractères élégans et fermes les étroits morceaux de papier qu’au craquement soigneusement entretenu de la porte d’entrée elle dissimulait rapidement. Ainsi furent composées les œuvres charmantes qui s’appellent Sens et Sensibilité, Orgueil et Prévention, Mansfield Park et Emma. Tous ces romans parurent sans signature, de 1811 à 1816. Ils eurent des lecteurs et même quelques admirateurs, puisque le prince régent fit demander à l’auteur, dont un hasard avait révélé le nom à son médecin, de lui dédier son prochain ouvrage. Là critique du temps voulut bien en faire l’éloge en termes mesurés, et il se trouva des gens pour suggérer à la romancière des sujets ingénieux auxquels elle n’aurait jamais songé toute seule. Par exemple, le chapelain anglais du prince Léopold, voulant délicatement flatter son maître, qui allait épouser la princesse Charlotte, proposait à l’auteur d’Emma de célébrer dans un roman historique les hauts faits de l’auguste maison de Cobourg, et lui faisait entrevoir le succès certain d’une semblable entreprise. Et miss Austen de répondre avec une civilité d’où l’ironie n’était pas absente que, tout en comprenant la beauté d’une telle matière, elle se sentait incapable d’écrire un roman historique, à moins que ce ne fût la corde au cou, pour sauver sa vie, et encore serait-elle sûre d’être pendue avant la fin du premier chapitre. Si l’on ajoute à cette proposition burlesque le privilège de visiter en détail la bibliothèque princière de Carlton House, et quelques centaines de livres sterling payées par ses éditeurs, on aura la somme des avantages que, de son vivant, Jane Austen retira de ses œuvres. Quant à la popularité qui s’attache aux écrivains aimés de la foule, elle ne devait pas la connaître. Elle continua de vivre ignorée, heureuse dans sa retraite jusqu’au jour où, à la suite de soucis de famille, elle fut prise d’une fièvre bilieuse qui mina sa constitution. Dès lors elle ne fit plus que languir et s’éteignit tranquillement dans l’été de 1817. |
I.
"Nessuno che avesse conosciuto Catherine Morland nella sua infanzia avrebbe mai immaginato che fosse nata per essere un'eroina. La sua condizione sociale, il carattere del padre e della madre, il suo aspetto e la sua indole, era tutto contro di lei. Il padre era un rispettabile pastore economicamente indipendente e con nessuna tendenza a tenere le figlie segregate. La madre era una donna assennata, con un buon carattere, e, cosa ancora più degna di nota, con una buona costituzione. Aveva avuto tre figli maschi prima che nascesse Catherine, e invece di morire mettendo al mondo quest'ultima, come chiunque si sarebbe aspettato, continuò a vivere tanto da avere altri sei figli, vederseli crescere intorno e godere lei stessa di ottima salute. Una famiglia con dieci figli sarà sempre chiamata una bella famiglia, purché ci siano teste, braccia e gambe nella giusta proporzione; ma i Morland avevano poco altro per essere degni di quell'aggettivo, poiché erano in generale molto brutti." (3) Con questo inizio ironico di una delle sue prime opere, è improbabile che Miss Austen abbia voluto alludere alla sua famiglia, e tuttavia non si può fare a meno di trovare una certa somiglianza tra la situazione della sua eroina e quella dell'autrice. Come Catherine Morland, lei faceva parte di una famiglia numerosa, e nulla indicava che fosse destinata alla gloria. Suo padre, George Austen, era il pastore del villaggio, nell'Hampshire; aveva, secondo le usanze dell'epoca, due curazie, ma questa pluralità di benefici non era mirata ad arricchirlo, poiché gli abitanti delle due parrocchie riunite non superavano la cifra di trecento, e per andare da Deane a Steventon la strada era talmente brutta che ci si poteva servire solo di un carro. Fu su un veicolo del genere che il rettore (il titolo di M. Austen), dopo averci sistemato i mobili e la moglie, fece il trasloco quando si stabilì definitivamente a Steventon. Del resto, in certe parti dell'Inghilterra, le strade erano allora talmente mal tenute che non ci voleva meno di un'occasione solenne, un matrimonio o un funerale, per esempio, perché si pensasse a pareggiare le buche. Se era difficile arrivare a Steventon, in un certo senso era meritorio restarci, poiché la società che vi si trovava, composta di proprietari terrieri, piccoli o grandi, non offriva, vista l'ignoranza e la grossolanità comuni all'epoca, che una compagnia di vedute assai ristrette. Quale dovette essere l'imbarazzo di un letterato, di un vecchio membro di college a Oxford, com'era M. Austen, quando un suo ricco vicino, lo squire, gli disse: "Voi che sapete così tante cose, insegnateci questa. È Parigi che sta in Francia, o è la Francia che sta a Parigi? Litighiamo sempre su questo, mia moglie e io." (4) Non gli restava, oltre ad adempiere ai doveri del suo incarico, che rifugiarsi nella cerchia familiare e pensare all'educazione dei figli, cosa che non era affatto semplice, dato che Jane Austen aveva una sorella e cinque fratelli. (5) Due dei fratelli più giovani, Francis e Charles, si distinsero nel corso di un periodo brillante della storia della marina inglese, e raggiunsero gradi elevati. Quanto agli altri, fecero meno figura nel mondo. Si sa poco dell'infanzia e della giovinezza di Miss Austen, circoscritte alla canonica di Steventon, con una monotonia che sembra fatta apposta per mettere a dura prova la pazienza di un biografo. Le gioie domestiche non sono fatte per essere raccontate, e per venticinque anni nulla sembra aver turbato la modesta prosperità degli Austen. Situata in una regione poco pittoresca, la casa del rettore era di rustica semplicità: non c'erano cornici a separare le pareti dal soffitto, e le travi del pavimento mettevano in mostra senza cerimonie il bianco della calce con cui erano dipinte. Dal giardino partivano due vialetti alberati dove crescevano anemoni e giacinti selvatici. Davanti alla canonica si estendeva un terrapieno, e dietro la casa c'erano dei prati con qualche accenno di bosco all'orizzonte. Tale fu la culla del genio di Jane Austen. Quanto all'istruzione che ebbe, è probabile che non si discostasse molto da quella che si usava allora impartire alle giovinette, e che oggi verrebbe giudicata del tutto insufficiente. Dal fatto che la maggior parte delle sue eroine nutrono una passione esagerata per l'arpa e la danza non si deve concludere che Miss Austen brillasse nelle arti d'intrattenimento. Conosceva il francese, grazie soprattutto a una cugina più anziana di lei, che, cresciuta a Parigi, aveva sposato un conte, il quale era morto sul patibolo per, a quanto si dice, aver trasformato in pascolo delle terre coltivabili, con l'intenzione di giocare un brutto tiro al governo repubblicano. (6) La giovane contessa, una volta rimasta vedova, era tornata in Inghilterra e aveva vissuto per qualche tempo dallo zio, dove la sua vivacità tutta parigina era stata molto apprezzata. Prendeva parte agli svaghi della famiglia, e recitava il ruolo principale nelle recite teatrali che i figli di M. Austen si divertivano a rappresentare, in estate nel fienile e in inverno nella sala da pranzo. Jane Austen aveva allora quindici anni, e si può immaginare che, da semplice spettatrice, abbia fatto ampiamente tesoro di quei ricordi. Chi legge Mansfield Park si rende conto con quale verosimiglianza abbia descritto le rivalità di un gruppo di dilettanti e gli ostacoli legati a questo genere di svago. Fu forse allora che in lei si risvegliò il gusto per la composizione letteraria, anche se si ignora in quale periodo abbia iniziato a riempire dei quaderni, restati per fortuna inediti, dove depositava i frutti del suo brio ancora inesperto. Non aveva ancora sedici anni, quando i suoi esperimenti, in versi o in prosa, riempivano già un grosso volume. La sostanza era puerile, ma la forma era già molto semplice e netta, cosa che è assai rara, poiché di solito non si debutta con la semplicità dello stile. Malgrado questa precocità non comune, Jane Austen non si mise in cerca di un editore. Non sembra che abbia pensato, se non molto più tardi, di pubblicare le sue opere. La gloria non faceva parte dei suoi sogni di fanciulla, e se scriveva era senza dubbio per obbedire a una sorta di istinto. Da quanto si può giudicare dalle sue lettere e dai ricordi dei contemporanei, era più portata all'allegria che alla malinconia, e non c'è nulla che faccia pensare a una qualche ambizione. La famiglia era sufficiente ai suoi affetti, e il ridicolo dei vicini al suo talento di osservatrice. Ci viene descritta, verso i vent'anni, come una bella ragazza dai tratti regolari, piena di vivacità e di grazia. Come sia accaduto che, con le sue attrattive, la sua intelligenza e il suo buonsenso, non abbia mai incrociato sul suo cammino nessuno di quei ricchi giovanotti che ama descrivere, e che si prodigano con ardore nello sposare ragazze che ricche non sono, lo ignoriamo. Ci piacerebbe sapere se colei che ha fatto così tante volte parlare la passione amorosa abbia mai lei stessa amato o sia stata amata a sua volta; ma non sembra che su questo punto sia possibile soddisfare una legittima curiosità. Suo nipote assicura che non visse senza essere stata oggetto di un vivo affetto, e che, ancora giovane, rifiutò la proposta di matrimonio di un uomo che, pur possedendo tutte le qualità morali e i vantaggi materiali, non era riuscito a toccarne il cuore. Aggiunge che un altro pretendente avrebbe potuto essere più fortunato, se una morte prematura non avesse interrotto progetti verso i quali Miss Austen si mostrava meno ostile; ma ammette con molta franchezza che le allusioni di Cassandra Austen circa questo episodio erano troppo caute e vaghe perché si possa dedurre fino a dove si fossero spinti i sentimenti dei due. Secondo un'altra testimonianza che sulle prime sembrerebbe disinteressata, c'è da dire che Jane Austen non doveva essere così difficile da conquistare, né così riservata. Miss Russell Mitford ha parlato di lei a più riprese nella sua corrispondenza, e, citando la madre, che era vissuta nelle vicinanze di Steventon, fa della "ragazza cresciuta, o piuttosto della giovane donna" un ritratto probabilmente più pungente che fedele. Se si deve credere a Miss Mitford, Jane Austen, dopo essere stata la più graziosa, la più sciocca e la più affettata tra tutte le giovinette in cerca di marito, avrebbe assunto le fattezze della "più perpendicolare, precisa e taciturna" zitella felice che sia mai esistita. "Fino a quando la pubblicazione di Pride and Prejudice non ha rivelato quale gemma preziosa fosse celata in quell'inflessibile contenitore, in società era considerata non più di un paravento o di un attizzatoio. Adesso le cose sono molto diverse; è ancora un attizzatoio, ma un attizzatoio del quale hanno tutti paura. Bisogna riconoscere che essere silenziosamente osservati da una siffatta osservatrice ha qualcosa di terribile." (7) L'editore delle lettere di Mary Russell Mitford si è sentito in dovere di protestare in una nota contro questa metafora poco caritatevole. Forse la precauzione era inutile. Che Jane Austen abbia avuto i suoi difetti è probabile; il poco che si sa di lei è però sufficiente per affermare che non fu né frivola né ridicola. Il solo tratto di questo mordace schizzo che sembra verosimile è il temibile silenzio che le si attribuisce. Non sembra, in effetti, che abbia mai tenuto a brillare, anche nella piccola società di provincia nella quale trascorse la sua esistenza. Quando il padre, nella primavera del 1801, decise di affidare la curazia al figlio e di ritirarsi a Bath, lei ne fu profondamente rattristata; quella nuova residenza, all'epoca ritrovo di gente elegante, non compensava ai suoi occhi la perdita della rustica dimora nella quale era vissuta per venticinque anni. Tre lettere indirizzate alla sorella ci fanno intravedere quello che potrebbe essere definito il periodo mondano della sua vita, vale a dire qualche ballo e qualche serata trascorsa tranquillamente a bere del tè con delle signore. Quel periodo fu comunque molto breve. Dopo la morte del padre, all'inizio del 1805, andò ad abitare a Southampton con la madre e la sorella, e dopo quattro anni di un soggiorno del quale non abbiamo nessun dettaglio, le tre donne si stabilirono a Chawton, in un cottage offerto loro da Edward Austen, secondo figlio del rettore di Steventon, (8) reso ricco dall'eredità di un cugino. Fu lì che Miss Austen rivide e pubblicò le opere che dovevano renderla famosa e delle quali alcune erano state scritte in precedenza. Nel 1797, in effetti, aveva incaricato il padre di offrire il manoscritto di Orgoglio e pregiudizio e un rinomato editore. (9) Costui fece una sola infrazione a una tradizione vecchia come il mondo: si affrettò a declinare l'offerta a stretto giro di posta. La sorte di un altro romanzo fu ancora più umiliante. L'autrice l'aveva venduto per dieci sterline a un libraio anche editore di Bath, che, mancandogli il coraggio all'ultimo momento, aveva preferito perdere quella somma anziché rischiare la pubblicazione di Northanger Abbey. Questi due sfortunati tentativi non scoraggiarono la giovane al punto di farle bruciare le opere rifiutate. Scriveva per il proprio piacere e non per l'onore e il profitto. Mise da parte i suoi poveri quaderni e attese tranquillamente un'occasione più favorevole o degli editori meno diffidenti. Una volta sistematasi, e per sempre, a Chawton, riprese le sue serene abitudini di scrittura, interrotte, non si sa perché, durante il periodo trascorso sia a Bath che a Southampton, e nessuno fu mai più riservato in occupazioni simili. Al di fuori della famiglia, nessuno poteva supporre che nel cottage di Chawton ci fosse una scrittrice, visto che lei riusciva a nascondere, anche agli occhi dei domestici, il genere di studio al quale si dedicava. Dato che non aveva uno studio a sua disposizione, scriveva nel soggiorno, su un piccolo leggio di mogano, ricoprendo con la sua calligrafia elegante e precisa i piccoli fogli di carta che a ogni cigolio della porta, mantenuto con cura, dissimulava rapidamente. Così furono composte le opere incantevoli che si chiamano Ragione e sentimento, Orgoglio e pregiudizio, Mansfield Park ed Emma. Tutti questi romanzi apparvero anonimi, dal 1811 al 1816. Ebbero lettori e anche degli ammiratori, come il principe reggente, che chiese all'autrice, il cui nome era venuto per caso a conoscenza del suo medico, di dedicargli il suo prossimo lavoro. La critica del tempo espresse elogi misurati, e ci fu qualcuno che suggerì alla romanziera degli argomenti intelligenti ai quali non avrebbe mai pensato da sola. Per esempio, il cappellano inglese del principe Leopoldo, con l'intenzione di lusingare con delicatezza il proprio padrone, che stava per sposare la principessa Carlotta, propose all'autrice di Emma di celebrare in un romanzo storico i fatti più rilevanti dell'augusta casata dei Coburgo, facendole intravedere il successo certo di un'impresa del genere. Miss Austen rispose, con una cortesia in cui l'ironia non era affatto assente, che, pur comprendendo la bellezza della materia, si sentiva incapace di scrivere un romanzo storico, a meno che non avesse la corda al collo e dovesse salvarsi la vita, e anche così era certa che si sarebbe impiccata prima della fine del primo capitolo. (10) Se a queste frasi burlesche si aggiunge il privilegio di visitare in modo approfondito la biblioteca principesca di Carlton House, e qualche centinaio di sterline pagatele dai suoi editori, si avrà la somma dei vantaggi che, durante la sua vita, Jane Austen trasse dalle sue opere. Quanto alla popolarità propria degli scrittori amati dalle folle, lei non la conobbe mai. Continuò a vivere ignorata, felice nel suo rifugio fino al giorno in cui, a seguito di preoccupazioni familiari, contrasse una febbre biliare che minò la sua costituzione. Da allora, non fece che languire, e si spense serenamente nell'estate del 1817. |
II
Les romans de miss Austen ressemblent à son existence : ils sont sans prétention et sans éclat. Ce sont des tableaux de la vie bourgeoise à la campagne, et pour bien les comprendre il est nécessaire de les replacer d’abord dans le jour qui leur convient. L’auteur travaillait, suivant son expression, sur deux pouces d’ivoire et avec une brosse si fine qu’il lui fallait beaucoup de labeur pour produire peu d’effet. L’effet n’est pas, à vrai dire, aussi mesquin que sa modestie le supposait, mais on doit reconnaître que la comparaison ne manque pas de justesse. Il y a dans ces peintures d’une touche si délicate bien des traits dont on ne saisit pas la valeur à première vue et qui réclament une attention plus soutenue. Les personnages, sans toutefois qu’il soit nécessaire d’employer un verre grossissant pour les distinguer, n’ont pas les proportions souvent exagérées auxquelles nous a trop habitués le roman contemporain. Ils sont très vivans, mais c’est dans un cercle restreint qu’ils se meuvent, et, tout en appartenant à l’humanité par leurs caractères généraux, ils ont une marque distinctive qui trahit leur origine et leur assigne une date. On sent qu’ils sont d’un autre âge ; on pourrait presque dire qu’à ce point de vue ils ont une valeur historique et qu’ils représentent une époque disparue avec une fidélité qu’attestent de rares survivans. Trois quarts de siècle signalés par les progrès extraordinaires du luxe, de l’industrie et du goût ont apporté de tels changemens dans les idées, dans les mœurs, dans les habitudes, qu’on ne laisse pas d’être un peu dépaysé quand on se trouve en présence des messieurs et des dames qui habitent Northanger Abbey ou Mansfield Park. Aussi ceux qui veulent avoir une image de ce qu’était la société anglaise moyenne entre 1800 et 1815 ne peuvent-ils mieux s’adresser qu’à miss Austen. La vie de cette classe particulière que nos voisins appellent gentry paraît avoir été alors plus simple et plus originale qu’aujourd’hui. Les raffinemens de l’élégance et du confort n’avaient pas encore pénétré dans les campagnes. Jusque dans les plus petits détails, les manières gardaient quelque chose de rustique dont on rougirait maintenant. On ne voyait sur les tables des salles à manger ni fleurs, ni fruits, ni décorations, mais des mets substantiels dont on se transmettait le secret de génération en génération et qui faisaient la gloire des ménagères. On fabriquait soi-même son vin ; soi-même on brassait sa bière. Non-seulement on ignorait le superflu, mais le nécessaire même faisait quelquefois défaut. Ainsi dans certaines maisons l’usage des fourchettes d’argent n’était pas en honneur. Le fameux beau Brummel, un jour qu’on lui demandait des nouvelles de ses parens, répondait que le digne couple devait avoir fini par se couper la gorge à force de manger des petits pois avec le couteau. L’ameublement était en général d’une simplicité qui de nos jours paraîtrait du dénûment. Point de tapis dans les chambres à coucher ni dans les corridors ; dans toute l’habitation, il n’y avait souvent qu’un sofa et de formes trop anguleuses pour tenter l’indolence. Il est vrai qu’on ne tolérait les positions inclinées que chez les vieillards ou chez les invalides. Ne disait-on pas d’un certain gentilhomme, modèle de son temps, qu’il aurait fait le tour de l’Europe sans toucher du dos le fond de sa calèche de voyage ? Quant à ces mille objets qui maintenant encombrent le salon le moins élégant, on les aurait vainement cherchés. On ne trouvait d’épinette ou de piano que dans les familles qui se distinguaient par des goûts d’artiste. Un petit pupitre, une boîte à ouvrage, un étui pour le filet, étaient les seuls ornemens de la table commune. À l’égard des divertissemens, les cartes, la danse et la chasse en faisaient tous les frais. Le menuet, au moment de disparaître, jetait un dernier éclat, et les rondes étaient encore en honneur dans la province. Dans ces plaisirs, on mettait presque autant de dignité sérieuse que dans les occupations et les devoirs importans de la vie. C’était une affaire d’état, au bal, que de placer les couples de danseurs suivant leur préséance sociale, et toute plaisanterie n’était pas bien venue dans une partie d’hombre ou de whist. Les conversations, même les plus frivoles, avaient une allure solennelle. Elles formaient, avec les promenades, le principal passe-temps de la jeunesse, et, de tous les dons naturels ou acquis, l’art de soutenir un entretien était le plus en faveur. On est aujourd’hui assez disposé à fuir les grands causeurs, les gens qui ne parlent que par tirades : on les aimait alors et l’on tâchait de leur ressembler. Si l’on parlait beaucoup, on n’écrivait guère moins, et ces lettres interminables, qui n’existent plus que dans la fiction, avaient encore une incontestable réalité. Toutes ces habitudes, toutes ces mœurs, tous ces goûts d’une autre époque viennent fidèlement se réfléter dans l’œuvre de miss Austen sans en faire pourtant l’unique intérêt. En effet, sous des costumes surannés qui nous semblent bizarres l’auteur a fait palpiter des cœurs humains avec leurs passions. Les Thorpe, les Crawford, les Bertram, ont le col emprisonné dans de hautes cravates et les pieds chaussés de bottes à la Wellington, mais par leurs vertus et leurs vices ils se rattachent à la même race que les héros des romanciers modernes. Les Fanny Price, les Emma Woodhouse, les Harriet Smith ont la taille de leurs robes sous les bras et jouent de la harpe ou de la guitare ; mais dans leurs qualités et dans leurs défauts quelle fille d’Albion ne pourrait se reconnaître encore ? Avarice ou prodigalité, amour pur ou passion intéressée, égoïsme ou dévoûment, vanité aristocratique ou vulgarité bourgeoise, il n’y a rien là qui soit passé de mode. Le cadre a vieilli peut-être, mais qui pourrait s’en plaindre ? Lorsque, fatigué du tapage que font avec leurs aventures et leurs sentimens les personnages en vogue de maint roman contemporain, on veut se reposer un peu, on n’a qu’à ouvrir au hasard un des six volumes que nous a laissés la fille du recteur de Steventon. Ici tout respire le calme et la simplicité. L’écrivain ne s’est pas mis l’esprit à la torture pour inventer des situations merveilleuses. Il s’est contenté de ces menus événemens sans importance dont se compose la vie du plus grand nombre des hommes. Dans tous ses ouvrages, on ne trouverait pas un seul incident extraordinaire. Des parties de plaisir, des soirées, des visites, de longues causeries, des méprises, des brouilles et des raccommodemens, voilà les seuls ressorts que l’auteur se permette. Les péripéties, il faut l’avouer, ne sont ni nombreuses, ni variées. C’est tantôt un de ces voyages qui faisaient époque dans l’existence d’un homme, tantôt un rhume violent accompagné de fièvre et qui cause de vives inquiétudes. Quelquefois c’est un évanouissement dont on n’est tiré qu’à grand renfort de corne de cerf, ou bien une chute grave qui met longtemps en péril les jours de l’héroïne. En général, comme dans la vie aussi, tout finit par s’arranger tant bien que mal, même pour les couples aventureux qui ont eu recours au ministère du joyeux forgeron de Gretna-Green. À la simplicité toute patriarcale de l’intrigue correspond l’apparente banalité des personnages. C’est ici qu’éclate l’art de l’écrivain, qui, au moyen de nuances si délicates qu’elles défient l’analyse, arrive à donner une physionomie distincte à chacun des êtres que son imagination à créés ; et cet art est d’autant plus puissant que les personnages choisis par miss Austen pour représenter une société spéciale n’offrent aucun de ces contrastes de rang ou de position dont le romancier peut tirer un si grand parti. De propos délibéré l’auteur s’est imposé la loi de ne point sortir d’un certain milieu, celui de la petite aristocratie de province. Des propriétaires vivant sur leurs biens, des pasteurs de village, de vieilles filles pauvres, des jeunes filles riches, des fils aînés de famille, qui n’ont qu’à laisser couler le temps pour arriver à la fortune, et des cadets qui en sont réduits à l’église ou à la marine, voilà le monde où se déploie son observation. Pour le faire vivre, il ne faudra rien moins que l’étude appronfondie des caractères, « Il y a, dit à ce propos Macaulay, une remarquable analogie entre les visages et les esprits des hommes. On ne trouverait pas deux visages semblables, et néanmoins il y en a très peu qui diffèrent sensiblement du type commun. De même aussi variété des caractères passe toute énumération, mais il est très rare qu’ils s’écartent assez du type commun pour devenir frappans et grotesques. » La limite qui sépare ce que l’on rencontre tous les jours de ce qu’on n’aperçoit que rarement, miss Austen s’est interdit de la franchir. Elle se plaît dans le terre à terre, et des critiques superficiels lui ont reproché quelquefois la monotonie de ses peintures. Et pourtant dans cette longue galerie de portraits il n’y en a pas deux qui se ressemblent assez pour qu’on puisse être tenté de les confondre. Ce sont des figures familières et qu’on reconnaît bien vite au passage, mais dont chacune se distingue par des caractères qui lui sont propres. Le procédé si connu qui consiste à rassembler sur un seul personnage des traits empruntés de toutes parts pour en faire un type idéal, soit dans le bien, soit dans le mal, soit dans le ridicule, l’auteur ne l’emploie jamais. Il y a dans ses romans des hypocrites, des débauchés, des égoïstes, des orgueilleux et des niais ; on n’y rencontre pas ces êtres de raison consommés dans le vice et chargés de le personnifier, à peu près comme le bouc émissaire représentait les péchés d’Israël. On y trouve de même un grand nombre de braves gens, mais ils n’ont pas la perfection conventionnelle des Clarisse Harlowe et des Grandisson, et ce qu’ils perdent en relief, ils le regagnent en vraisemblance. Si l’on s’intéresse à eux, ce n’est pas parce qu’ils frappent d’admiration, d’horreur ou de pitié, c’est tout simplement parce qu’en les voyant on salue des semblables. Non qu’on puisse toujours être très flatté de regarder dans le miroir que tend la romancière ; seulement on se console en y apercevant aussi les autres. Personne n’aimerait à avouer par exemple qu’au moment de faire une générosité la réflexion est venue arrêter le premier mouvement qui était le bon, et cependant qui ne sentirait combien naturelle est la conduite de M. Dashwood dans les premiers chapitres de Sense and Sensibility ! Héritier de toute la fortune de son père, il s’est promis d’abord de donner à ses sœurs trois mille livres sterling pour les doter. Sa femme lui fait remarquer que c’est beaucoup d’argent : mieux vaudrait constituer une rente à la veuve et à ses filles. Encore est-ce une chose bien désagréable qu’une rente à payer, et qui revient tous les ans. D’ailleurs ses sœurs ne sont pas pauvres, tant s’en faut. « Voyez donc, mon cher monsieur Dashwood, quelle confortable existence votre belle-mère et ses filles mèneront. Elles auront entre elles cinq cents livres à dépenser par an, et que faut-il de plus au monde à quatre femmes ? Elles vivront à si bon compte ! Presque point de dépenses de maison. Elles n’auront ni chevaux, ni voitures, à peine des domestiques. Ne recevant personne, elles n’auront aucune espèce de frais à faire. Cinq cents livres ! Vraiment, je ne peux pas m’imaginer comment elles s’y prendront pour en dépenser seulement la moitié. Quant à leur donner davantage, ce serait une absurdité d’y penser. Ce serait plutôt à elles à vous donner quelque chose. » M. Dashwood réduira d’abord la rente à un petit cadeau fait à l’occasion ; puis, tout bien pesé, il se contentera d’offrir à ses sœurs… sa voiture et ses chevaux pour les aider à quitter la maison paternelle. M. Dashwood est-il un avare ? Nullement ; c’est un homme du monde qui accomplit tous les devoirs extérieurs que le monde réclame, et qui, comme la plupart des gens, n’est généreux que quand il est absolument forcé de l’être. Il n’épargnera jamais à ses sœurs les marques de considération les plus sincères, surtout si elles font de bons mariages, et se montrera parfait pour elles jusqu’à la bourse exclusivement. M. Bennett, dans Pride and Prejudice, n’est pas non plus un méchant homme. Il a eu le tort d’épouser une sotte et le tort peut-être plus grand encore de laisser voir qu’il le sait. La grande affaire de la vie, pour Mme Bennett, c’est de recevoir et de rendre le plus de visites possible et de chercher partout des gendres, tandis que le maître de la maison, loin du bruit, au milieu de ses livres, laisse s’agiter dans le vide une famille qu’il n’a pas voulu se donner la peine de gouverner. Quelque jeune homme opulent ou supposé tel vient-il s’établir dans le voisinage, aussitôt Mme Bennett dresse ses batteries et tente d’intéresser au succès de la campagne son mari, qui le plus souvent n’oppose à ses plans que le scepticisme et l’ironie du dédain. « — Mon cher monsieur Bennett, avez-vous appris qu’on a fini par louer Netherfield Park ? — M. Bennett répondit qu’il n’en savait rien. — Mais il n’y a pas à en douter, reprit Mme Bennett, car Mme Long vient de venir et m’a tout raconté. — M. Bennett ne fit point de réponse. — N’aimeriez-vous pas à savoir qui est le locataire ? lui cria sa femme avec impatience. — C’est vous qui aimeriez à me le dire, et je n’ai aucune objection à l’apprendre. — Cette invitation fut considérée comme suffisante par Mme Bennett. — Eh bien, mon cher, sachez donc que, d’après Mme Long, Netherfield est loué à un jeune homme très riche du nord de l’Angleterre. Il est arrivé lundi dans une voiture à quatre chevaux pour voir la maison et il en a été si enchanté qu’il s’est aussitôt entendu avec le propriétaire. Il y entrera avant la Saint-Michel et quelques-uns de ses domestiques arriveront la semaine prochaine. — Comment s’appelle-t-il ? — Bingley. — Est-il marié ou célibataire ? — Oh ! mon cher, célibataire naturellement. C’est un garçon à la tête d’une grande fortune, quatre ou cinq mille livres par an. Quelle belle chose pour nos filles ! — Comment cela ? qu’est-ce que cela peut leur faire ? — Mon cher monsieur Bennett, que vous êtes ennuyeux ! Vous savez bien à quoi je pense. Il en épousera une. — Est-ce son dessein en venant s’établir ici ? — Son dessein ? Quelle absurdité, et comment pouvez-vous parler de la sorte ? Seulement il est très vraisemblable qu’il tombera amoureux de l’une d’entre elles, et c’est justement pour cela qu’il faut que vous lui fassiez une visite aussitôt qu’il sera arrivé. — Je n’en vois pas la nécessité. Vous pouvez y aller, vous et vos filles ; vous pouvez même les y envoyer toutes seules, ce qui vaudrait peut-être encore mieux, car comme vous êtes aussi jolie qu’aucune d’elles, le choix de M. Bingley pourrait tomber sur vous. — Mon cher, vous me flattez. Certainement, j’ai eu ma part de beauté ; mais je ne prétends pas maintenant offrir aux regards rien d’extraordinaire. Quand une femme a cinq grandes filles, elle ne doit plus penser à ses propres agrémens. Mais il faut que vous vous présentiez chez M. Bingley, car nous ne pouvons le faire sans vous. — Vraiment, vous y mettez trop de façons. J’ose dire que M. Bingley sera très heureux de vous voir. Je vous donnerai pour lui un billet dans lequel je l’assurerai du fond du cœur qu’il est libre d’épouser celle qu’il veut de mes filles. — Vous vous plaisez à me tourmenter. Vous n’avez pas la moindre pitié de mes pauvres nerfs. — Vous me faites tort, ma chère amie. J’ai un grand respect pour vos nerfs. Ce sont de vieux amis. Voilà vingt-cinq ans au moins que je vous entends en parler avec égards. — Ah ! vous ne savez pas ce que je souffre. — Vous vous en tirerez, je l’espère, et vivrez assez pour voir encore arriver dans le voisinage beaucoup de jeunes célibataires avec quatre mille livres de revenu. » Si M. Bennett est franc avec sa femme, on peut croire qu’il ne l’est pas moins avec les demoiselles Bennett et en général avec tous les sots au milieu desquels il est condamné à passer sa vie. À cet égard, on doit dire que la romancière a fait bonne mesure. M. Bennett, en effet, a encore le privilège d’avoir pour cousin et pour héritier un jeune ecclésiastique qui est bien le niais le plus content de soi que l’on puisse rêver. Il faut lire dans l’original la lettre inimitable où M. Collins annonce son arrivée à la famille Bennett et les allusions délicates qu’il fait à sa situation particulière. Il faut le voir dresser intérieurement l’inventaire du domaine que la loi des successions lui réserve un jour. Il faut l’entendre, solennel et bienveillant, faire sa déclaration à la seule des filles de M. Bennett qui ait trouvé grâce devant les yeux de son père. Il lui expose en premier lieu, car Lizzy tout d’abord a voulu s’enfuir pour éviter l’entretien, combien ces sentimens de virginale modestie ajoutent de charme à sa personne, puis, par une transition délicate, il lui énumère les raisons qui le portent à se marier : « Mon premier motif, c’est que je crois qu’il est bon pour un clergyman de donner l’exemple du mariage à sa paroisse ; mon second motif, c’est que mon bonheur en sera grandement augmenté ; mon troisième motif, et peut-être aurais-je dû le mentionner plus tôt, c’est que tel est l’avis de la très noble dame que j’ai l’honneur de nommer la patronne de ma cure. Deux fois elle a daigné, sans que je le lui demandasse, me donner son opinion sur ce sujet. Samedi soir même, la veille de mon départ, elle me disait encore, entre deux parties de quadrille : « Monsieur Collins, il faut vous marier. Un clergyman comme vous doit se marier. Choisissez bien, dans mon intérêt autant que dans le vôtre, prenez une fille de bonne maison, amenez-la ici, et je lui ferai visite. » En voilà assez sur ce qui concerne mes raisons générales en faveur du mariage. Il ne me reste qu’à vous assurer dans le langage le plus passionné, de la violence de mon affection. Je suis parfaitement indifférent à la fortune. Je n’adresserai aucune demande pécuniaire à votre père, car je sais bien qu’il ne pourrait pas y satisfaire, et que vous avez seulement droit à 1,000 livres en 4 pour 100 qui ne vous appartiendront qu’au décès de votre mère. Sur ce point, je garderai donc invariablement le silence, et vous pouvez être sûre qu’aucun reproche peu généreux ne sortira de mes lèvres une fois que nous serons mariés. » M. Collins n’est pas le seul clergyman que miss Austen ait décrit. Il a son pendant ailleurs dans la personne de M. Elton, qui est jeune comme lui, et comme lui voudrait bien se marier. Le docteur Grant, Edmund Bertram et Henry Tilney viennent compléter le groupe. Tous ils appartiennent à une espèce alors fort commune, celle des pasteurs mondains. L’église est pour eux une profession honorable et lucrative qui, ne réclamant pas de grands sacrifices, permet toutes les distractions de la société. Aussi ne faut-il pas être surpris si c’est dans un bal qu’on fait connaissance avec l’aimable M. Tilney ou si le docteur Grant est de mauvaise humeur quand la dinde n’est pas cuite à point. Le salut des âmes ne passe pour eux qu’après les plaisirs du monde, et s’ils sont ministres de l’Évangile, ce n’est qu’à leurs momens perdus ou quand ils revêtent la robe pour prêcher leurs sermons du dimanche. Au reste ils ne déparent point la société frivole que l’auteur aime à faire passer sous nos yeux et dont Mansfield Park offre le tableau le plus complet. |
II
I romanzi di Miss Austen somigliano alla sua vita: sono senza pretese e senza fulgori. Sono delle scene di vita borghese di campagna, e per comprenderle appieno è necessario collocarle in primo luogo nel periodo in cui si svolgono. L'autrice lavorava seguendo il proprio istinto, su due pollici d'avorio e con un pennello così fine che le costava molto lavoro per produrre poco effetto. (11) L'effetto, a dire il vero, non è così minimo quanto supponeva la sua modestia, ma si deve riconoscere come il paragone non manchi di esattezza. È in questo tocco così delicato che troviamo quei tratteggi dei quali a prima vista non si apprezza il valore e che reclamano un'attenzione più profonda. I personaggi, senza comunque che ci sia necessità di usare una lente d'ingrandimento per distinguerli, non hanno quelle proporzioni esagerate alle quali ci hanno fin troppo abituato i romanzi contemporanei. Sono molto vivi, ma si muovono in una cerchia ristretta, e, sia pure appartenendo all'umanità per i loro caratteri generali, hanno un marchio distintivo che ne tradisce l'origine e assegna loro una data. Si avverte che sono di un'altra epoca; si potrebbe quasi dire che, da questo punto di vista, hanno un valore storico e rappresentano un'epoca scomparsa con una fedeltà attestata dai rari sopravvissuti. Tre quarti di secolo caratterizzati da progressi straordinari nel lusso, nell'industria e nel gusto hanno apportati talmente tanti cambiamenti nelle idee, nei costumi e nelle abitudini, che non ci si può non trovare un po' spaesati quando ci si trova in presenza di signori e signore che abitano a Northanger Abbey o a Mansfield Park. Quindi, chi vuole farsi un'immagine di come fosse la società media inglese tra il 1800 e il 1815 non può trovare guida migliore di Miss Austen. La vita di quella particolare classe sociale che i nostri vicini chiamano gentry sembra essere stata allora più semplice e più autentica di oggi. Le raffinatezze dell'eleganza e delle comodità non erano ancora arrivate in campagna. Fin nei più minuti dettagli, i comportamenti conservavano un qualcosa di rustico del quale oggi ci si vergognerebbe. Sulle tavole delle sale da pranzo non si vedevano fiori, frutta o decorazioni, ma pietanze sostanziose delle quali si trasmettevano i segreti di generazione in generazione, e che costituivano il vanto delle massaie. Ci si faceva il vino da soli; da soli si preparava la birra. Non solo si ignorava il superfluo, ma talvolta faceva difetto lo stesso necessario, e in certe dimore l'uso di forchette d'argento non era un vanto. Il famoso beaux Brummel rispose un giorno, a chi gli chiedeva notizie dei genitori, che la degna coppia doveva aver finito per tagliarsi la gola a forza di mangiare pisellini con il coltello. (12) L'arredamento era in genere di una semplicità che ai giorni nostri sembrerebbe indicare indigenza. Niente tappeti nelle camere da letto e nei corridoi; in tutta la casa non c'era sovente che un divano, per di più di forma troppo angolata per tentare all'indolenza. Non si tolleravano spalle cascanti, se non nei vegliardi e negli invalidi. Non si diceva forse di un certo gentiluomo, un modello per la sua epoca, che avrebbe fatto il giro dell'Europa senza toccare con il dorso la spalliera del suo calesse? Quanto ai mille oggetti che ora ingombrano anche i salotti meno eleganti, li si sarebbe cercati invano. Non c'erano spinette o pianoforti, se non nelle famiglie che si distinguevano per gusto artistico. Un piccolo leggio, un cestino da lavoro, un astuccio per il filo, erano i solo ornamenti della tavola comune. Riguardo agli svaghi, si esaurivano nelle carte, il ballo e la caccia. Il minuetto ebbe un ultimo momento di fulgore prima di scomparire, e in provincia erano ancora in auge le contraddanze. In questi piaceri si metteva tanta solenne dignità quanto nelle occupazioni e nei doveri importanti della vita. In un ballo, era un affare di stato sistemare le coppie seguendo il rango sociale, e qualsiasi facezia non era la benvenuta in una partita di ombra o di whist. Le conversazioni, anche le più frivole, avevano un fascino solenne. Costituivano, insieme alle passeggiate, il passatempo principale dei giovani, e, fra tutti i doni innati e acquisiti, l'arte di conversare era quella più apprezzata. Oggi si tende molto a rifuggire chi è troppo loquace, le persone che non parlano se non con lunghe tirate; allora li si amava e si cercava di assomigliare a loro. Se si parlava molto, non si scriveva certo di meno, e le lettere interminabili che ormai esistono solo nei romanzi erano ancora un'incontestabile realtà. Tutte queste abitudini, tutti questi costumi, tutti questi gusti di un'altra epoca si riflettevano fedelmente nell'opera di Miss Austen, senza comunque costituirne l'unico interesse. In effetti, su delle usanze superate, che a noi sembrano bizzarre, l'autrice ha fatto palpitare dei cuori umani con le loro passioni. I Thorpe, i Crawford, i Bertram, hanno il collo imprigionato da alte cravatte e i piedi calzati con stivali alla Wellington, ma per le loro virtù e i loro vizi appartengono alla stessa razza degli eroi dei romanzi moderni. Le Fanny Price, le Emma Woodhouse, le Harriet Smith indossano vestiti a vita alta e suonano l'arpa o la chitarra, ma le figlie d'Albione non si riconoscono forse ancora nelle loro qualità e nei loro difetti? Avarizia o prodigalità, amore puro o passione interessata, egoismo o dedizione, vanità aristocratica o volgarità borghese, non c'è nulla che sia passato di moda. Può essere che la cornice sia invecchiata, ma chi potrebbe rammaricarsene? Quando, stanchi del frastuono delle avventure e dei sentimenti dei personaggi in voga di molti romanzi contemporanei, si si vuole riposare un po', non resta che aprire a caso uno dei sei volumi che ci ha lasciato la figlia del rettore di Steventon. Là si respira soltanto calma e semplicità. La scrittrice non si è arrovellata per inventare situazioni sorprendenti. Si è accontentata degli avvenimenti minuti e senza importanza dei quali è composta la vita di gran parte degli uomini. In tutte queste opere non si troverà nemmeno un avvenimento straordinario. Piacevoli ricevimenti, serate, visite, lunghe conversazioni, equivoci, bisticci a accomodamenti, ecco i soli scenari che si permette l'autrice. Le peripezie, bisogna ammetterlo, non sono né numerose né varie. Ora c'è uno di quei viaggi che facevano epoca nell'esistenza di un uomo, ora un violento raffreddore accompagnato da febbre, che provoca una viva inquietudine. Qualche volta c'è uno svenimento curato con l'impiego di una gran quantità di polvere di corna di cervo, oppure una grave caduta che mette a lungo in pericolo la vita dell'eroina. In generale, come nella vita. tutto finisce, nel bene e nel male, col sistemarsi, anche per le coppie audaci che ricorrono ai buoni uffici di Gretna-Green. (13) Alla semplicità tutta patriarcale dell'intreccio corrisponde l'apparente banalità dei personaggi. È qui che emerge l'arte della scrittrice, è qui, in mezzo a sfumature così delicate, che ella, sfidando l'analisi, arriva a dare una fisionomia distinta a ciascuna delle creature forgiate dalla sua immaginazione; e quest'arte è tanto più potente proprio perché i personaggi scelti da Miss Austen per rappresentare una particolare società non offrono il destro a nessuna di quelle differenze di rango o di posizione sociale dalle quali i romanzieri riescono a ottenere tanto. L'autrice si è imposta deliberatamente la regola di non uscire da un certo ambiente, quello della piccola aristocrazia di provincia. Proprietari che vivono dei loro beni, pastori di campagna, vecchie signorine povere, giovani signorine ricche, primogeniti che devono solo far trascorrere un po' di tempo per avere il loro patrimonio, e cadetti che sono destinati alla chiesa o alla marina; ecco il mondo nel quale si dispiega il suo spirito di osservazione. Per farlo vivere, non ci sarà bisogno di nulla se non approfondire i loro caratteri; "C'è una notevole analogia", dice a questo proposito Macaulay, "tra il volto e l'animo degli uomini. Non si troveranno mai due volti uguali, e nondimeno c'è molto poco a differenziare sensibilmente due tipi comuni. Allo stesso modo, la varietà di caratteri va al di là di qualsiasi conteggio, ma è molto raro che si discostino molto dal tipo comune per diventare sorprendenti e grotteschi." (14) Il confine che separa ciò che si incontra tutti i giorni da quello che si osserva di rado Miss Austen non lo attraversa mai. Si compiace del terra-terra, e alcuni critici superficiali le hanno talvolta rimproverato la monotonia dei suoi ritratti. Eppure in quella lunga galleria di ritratti non ce ne sono due che si somiglino tanto da poter essere confusi. Ci sono delle figure familiari, che si riconoscerebbero subito al passaggio, ma ciascuno si distingue per delle caratteristiche che gli sono proprie. Il ben noto procedimento che consiste nel radunare in un solo personaggio dei tratti attinti ovunque, per farne un tipo ideale, nel bene, nel male e nel ridicolo, non è mai usato dall'autrice. Nei suoi romanzi ci sono ipocriti, dissoluti, egoisti, orgogliosi e sempliciotti; non si incontrano mai quegli esseri ragionevoli consumati nel vizio e gravati del compito di personificarlo, un po' come il capro espiatorio rappresentava i peccati di Israele. Troviamo anche un gran numero di brava gente, ma non con la perfezione convenzionale delle Clarisse Harlowe e dei Grandison, (15) e quello che perdono in spessore lo guadagnano in verosimiglianza. Se li troviamo interessanti, non è per eccesso di ammirazione, orrore o pietà, è semplicemente perché li consideriamo nostri simili. Non che si possa sempre essere lusingati nel guardarci nello specchio in mano al romanziere; ci sentiamo però confortati nel vedere che anche altri non amerebbero confessare, per esempio, che nel momento di fare qualcosa di generoso una riflessione ha bloccato il primo istintivo gesto di bontà, e nondimeno chi non giudicherebbe quanto sia naturale la condotta di M. Dashwood nel primo capitolo di Ragione e sentimento! Erede di tutto il patrimonio del padre, si è dapprima ripromesso di dare alle sorelle tremila sterline di dote. La moglie gli fa notare che sono molti soldi; sarebbe meglio prevedere una rendita per la vedova e le figlie. Ma è una cosa molto sgradevole dover pagare una rendita, che si ripresenta ogni anno. D'altronde le sorelle non sono povere, anzi. "Considerate dunque, mio caro signor Dashwood, come vivranno in tutta comodità la vostra bella matrigna e le sue figlie. Potranno contare su un totale di cinquecento sterline l'anno, e che cosa potrebbero desiderare di più su questa terra quattro donne? Vivranno senza dover spendere troppo! La gestione della casa non costerà praticamente nulla. Non avranno né carrozza né cavalli, e a malapena qualche persona di servizio. Non daranno ricevimenti, e non avranno spese di nessun genere. Cinquecento sterline l'anno! Non riesco proprio a immaginare come potrebbero spenderne la metà. Quanto a dovergliene dare di più, è completamente assurdo solo a pensarlo. Saranno più in grado loro di dare qualcosa a voi." (16) M. Dashwood ridurrà subito la rendita a piccoli doni fatti all'occasione; poi, tutto sommato, si accontenterà di offrire alle sorelle... carrozza e cavalli per aiutarle a lasciare la dimora paterna. M. Dashwood è un taccagno? Per niente; è un uomo di mondo che si conforma a tutti i doveri esteriori reclamati dal mondo, e che, come la maggior parte delle persone, non è generoso se non quando è assolutamente costretto a esserlo. Non lesinerà mai alle sorelle i più sinceri segni di interessamento, soprattutto se faranno dei buoni matrimoni, e si comporterà con loro in modo impeccabile, fino al confine della borsa. M. Bennet, in Orgoglio e pregiudizio, non è un uomo cattivo. Ha avuto il torto di sposare una sciocca, e un torto ancora più grande nel lasciar capire che lo sa. La principale occupazione, per Mme Bennet, è di ricevere e ricambiare più visite possibili e di cercare dappertutto dei generi, mentre il padrone di casa lascia cuocere nel suo brodo una famiglia che non si è dato pena di governare. Un certo giovanotto ricco si suppone che venga a stabilirsi nel vicinato, e senza indugio Mme Bennet sfodera le sue armi e cerca di interessare alla battaglia suo marito, che nella maggior parte dei casi non oppone ai suoi progetti che lo scetticismo e l'ironia del disprezzo. "- Mio caro signor Bennet, avete saputo che finalmente Netherfield Park è stato affittato? M. Bennet rispose di non saperne nulla. - Ma non c'è nessun dubbio - replicò lei - poiché Mrs. Long è appena stata qui, e mi ha raccontato tutto. M. Bennet non rispose. - Non volete sapere chi l'ha affittato? - esclamò la moglie con impazienza. - Siete voi a volermelo dire, e io non ho nulla in contrario ad ascoltare. Mme Bennet considerò sufficiente questo invito. - Allora, mio caro, dovete sapere che Mme Long dice che Netherfield è stato affittato da un giovanotto molto ricco del nord dell'Inghilterra. È arrivato lunedì in un tiro a quattro per vedere la casa e ne è rimasto così deliziato che si è immediatamente accordato con il proprietario. Ne prenderà possesso prima di San Michele e qualcuno della servitù arriverà la prossima settimana. - Come si chiama? - Bingley. - È sposato o scapolo? - Oh! mio caro, scapolo naturalmente. Uno scapolo con un'ampia fortuna; quattro o cinquemila sterline l'anno. Che bella cosa per le nostre ragazze! - E perché mai? che c'entrano loro? - Mio caro signor Bennet, come potete essere così irritante! Lo sapete bene che cosa sto pensando. Sposerà una di loro. - Era questo il suo progetto quando è venuto a stabilirsi qui? - Progetto? Che assurdità; come potete parlare in questo modo? Ma è molto probabile che si innamori di una di loro, e proprio per questo è necessario che gli facciate visita non appena arriva. - Non ne vedo la necessità. Potete andare voi e le ragazze; potete anche mandarle da sole, il che forse sarà ancora meglio, poiché, visto che voi siete bella quanto loro, la scelta di M. Bingley potrebbe cadere su di voi. - Mio caro, voi mi lusingate. Certo, ho avuto la mia parte di bellezza; ma ora non pretendo di essere nulla di straordinario. Quando una donna ha cinque figlie grandi, non deve più pensare ai propri piaceri. Ma è necessario che vi presentiate a M. Bingley, poiché noi non possiamo farlo senza di voi. - State davvero facendo troppi complimenti. Credo proprio che M. Bingley sarà felicissimo di conoscervi. Gli manderò un biglietto nel quale gli assicurerò dal profondo del cuore che è libero di sposare quella che vuole tra le mie figlie. - Vi divertite a tormentarmi. Non avete nessuna compassione per i miei poveri nervi. - Mi fate torto, mia cara amica. Ho un grande rispetto per i vostri nervi. Sono dei vecchi amici. Sono almeno venticinque anni che ne sento parlare da voi con rispetto. - Ah! non sapete quanto soffro. - Spero che riuscirete a guarire, e a vivere per vedere tanti giovanotti con quattromila sterline di rendita arrivare nel vicinato." (17) Se M. Bennet è sincero con la moglie, si può credere che non lo sia meno con le signorine Bennet, e in generale con tutti gli sciocchi in mezzo ai quali è condannato a trascorrere la vita. A tale proposito, si deve dire che la romanziera ha messo molta carne al fuoco. M. Bennet, in effetti, ha anche il privilegio di avere, come cugino ed erede, un giovane ecclesiastico che è un perfetto babbeo, più soddisfatto di sé di quanto si possa sognare. Bisogna leggere nell'originale l'inimitabile lettera nella quale M. Collins annuncia il suo arrivo dalla famiglia Bennet, e le delicate allusioni che fa circa la sua particolare situazione. Bisogna raffigurarselo mentre fa dentro di sé l'inventario delle proprietà che il vincolo di successione gli riserverà un giorno. Bisogna sentirlo, solenne e benevolo, fare la sua dichiarazione all'unica delle figlie di M. Bennet che ha il privilegio di essere nelle grazie del padre. In primo luogo, visto che Lizzy aveva intenzione di sfuggirli per evitare il colloquio, espone come quei sentimenti di virginale modestia abbiano aggiunto fascino alla sua persona, poi, con una delicata transizione, enumera le ragioni che lo hanno condotto a sposarsi: "Il primo motivo è che ritengo giusto per ogni clergyman dare l'esempio del matrimonio ai propri parrocchiani. Il secondo è che sono convinto che ciò contribuirà moltissimo alla mia felicità; il terzo, ma forse avrei dovuto menzionarlo per primo, che questo è stato il consiglio della nobilissima signora che ho l'onore di chiamare patronessa della mia curazia. Due volte si è degnata, senza che glielo chiedessi, di fornirmi la sua opinione su questo argomento. Proprio il sabato sera che ha preceduta la mia partenza, mi ha detto di nuovo, nell'intervallo tra due mani di quadriglia, «Signor Collins, dovete sposarvi. Un clergyman come voi deve sposarsi. Scegliete bene, nel mio interesse quanto nel vostro, prendetevi una ragazza di buona famiglia, portatela a Hunsford e io le farò visita.» E questo è tutto ciò che riguarda le mie ragioni generale a favore del matrimonio. Non mi resta che assicurarvi con le parole più appassionate la violenza del mio affetto. Al denaro sono perfettamente indifferente: Non farò nessuna richiesta economica a vostro padre, perché sono ben conscio che non potrebbe essere soddisfatta, e che voi avete solo mille sterline al 4 per cento, che non saranno vostre fino alla dipartita di vostra madre. Su questo punto, perciò, manterrò un immutabile silenzio, e vi posso assicurare che una volta sposati nessun ingeneroso rimprovero uscirà mai dalle mie labbra." (18) M. Collins non l'unico clergyman descritto da Miss Austen. Ha un compagno nella persona di M. Elton, giovane come lui, e come lui ansioso di sposarsi. Il dottor Grant, Edmund Bertram e Henry Tilney completano il gruppo. Tutti appartengono a una specie allora molto comune, quella dei pastori mondani. Per essi la chiesa è una professione onorevole e remunerativa, che, senza esigere grandi sacrifici, permette tutte le distrazioni della società. Così non bisogna sorprendersi se è durante un ballo che si fa conoscenza con l'amabile M. Tilney, o se il dottor Grant è di cattivo umore quando il tacchino non è cotto a puntino. La salute delle anime viene solo dopo i piaceri del mondo, e se sono ministri del Vangelo, è solo a tempo perso, o quando indossano la tonaca per pronunciare i sermoni domenicali. Per il resto, non disdegnano affatto la società frivola che l'autrice ama presentare ai nostri occhi, della quale Mansfield Park offre il ritratto più completo. |
III
Mansfield Park, publié en 1814, peut être considéré comme le chef-d’œuvre de miss Austen. Elle y a mis le meilleur de son talent, et l’ouvrage n’est pas loin de cette heureuse perfection où l’écrivain le mieux doué n’atteint pas toujours. Les proportions en sont bien tracées, et l’intrigue ne compte pas moins d’une vingtaine de personnages ayant tous une physionomie originale, depuis ceux auxquels l’auteur a confié des rôles importans jusqu’à ceux qui ne font en quelque sorte qu’apparaître sur la scène. De là une variété plus grande et des contrastes plus piquans. Les incidens ne sont pas, il est vrai, plus nombreux que dans les autres ouvrages de la romancière ; ils suffisent cependant au développement naturel des caractères. Il n’y faut pas chercher des situations tragiques, de grands désespoirs ni de violentes émotions : ce n’est pas la manière de l’auteur. Le doigt ne tourne pas les pages du volume avec une fiévreuse impatience, et la curiosité du dénoûment ne fait pas « sauter vingt feuillets » pour trouver la fin de l’histoire. La demeure du baronnet Thomas Bertram dans le comté de Northampton ne connaît pas les agitations vulgaires. L’ordre y règne, et pour le troubler il ne faudrait rien moins qu’une catastrophe. Encore ne s’en apercevrait-on pas à la surface. Sir Thomas Bertram est l’homme froid, poli, peu intelligent, mais vertueux, qui semble avoir été l’idéal du gentleman anglais au commencement de ce siècle et le sujet des sarcasmes de Byron. Il a épousé pour sa beauté une femme qui, lui ayant donné deux fils et deux filles, s’est cru des droits acquis à une indolence absolue pour le restant de ses jours. Lady Bertram passe les trois quarts de sa vie sur son sofa entre sa broderie et son petit chien, véritable image de la mollesse somnolente et satisfaite. Elle a deux sœurs qui ont été moins heureuses qu’elle dans la grande loterie du mariage. L’une, miss Price, a choisi par amour et pour désobliger sa famille un lieutenant de marine sans fortune ni éducation, et si elle n’a pas le nécessaire en fait de bien-être et d’argent, elle a le superflu sous la forme de nombreux enfans. L’autre, Mme Norris, en vertu de cette maxime qu’il y a dans le monde beaucoup plus de jolies femmes que d’hommes riches pour les mener à l’autel, a dû se rabattre, après une assez longue attente, sur un ecclésiastique. La générosité du baronnet a fait le reste. Il a donné au mari de sa belle-sœur une bonne cure dont le presbytère est situé tout près de son château, et Mme Norris, qui n’a pas d’enfans, profite de ce voisinage pour vivre à Mansfield Park. Parmi tous les caractères qu’elle a tracés, il n’en est pas qui fasse plus d’honneur à la plume de miss Austen que celui de Mme Norris. Certes, il n’est pas difficile d’être égoïste ; mais donner à son égoïsme tous les dehors du dévoûment et du sacrifice, ne penser jamais qu’à soi tout en ayant l’air de songer sans cesse aux autres, c’est là un degré de perfection auquel on ne parvient pas sans peine. Mme Norris pourtant paraît y être arrivée tout naturellement. Grâce à l’apathie de sa sœur, à la bienveillance un peu bornée de son beau-frère et à ses adroites flatteries, elle s’est fait de Mansfield Park une terre de Canaan découlant de lait et de miel. Elle y règne, sous le prétexte d’y rendre service ; et, sans prendre part à la peine, en toutes circonstances elle est la première à recueillir les honneurs. S’agit-il de faire parvenir à la sœur pauvre quelques présens utiles, lady Bertram envoie l’argent ou le linge, Mme Norris écrit la lettre. C’est elle aussi qui la première a l’idée de soulager cette pauvre Mme Price en lui prenant une de ses trop nombreuses filles. Quoi de plus naturel, elle n’a point d’enfant. Sir Thomas fait bien quelques objections pleines de prudence ; elle ne veut rien entendre : « Je vous comprends, lui dit-elle, vous êtes la générosité, la sagesse même, et je suis sûre que nous serons tous du même avis sur ce point. Ce que je peux faire, vous le savez, je suis toujours assez disposée à le faire pour le bien de ceux que j’aime, et, quoiqu’il me soit impossible d’éprouver pour cette petite fille la centième partie de l’affection que je porte à vos chers enfans, je serais la première à me haïr si j’étais capable de la négliger. N’est-ce pas l’enfant d’une sœur, et tant que j’aurai un morceau de pain à lui donner, pourrais-je supporter de la voir dans le besoin ? Mon cher sir Thomas, avec tous mes défauts, j’ai le cœur chaud, et, pauvre comme je le suis, j’aimerais mieux me refuser les nécessités de la vie que d’agir sans générosité. Ainsi donc, si vous ne vous y opposez pas, j’écrirai demain à ma sœur pour lui faire ma proposition. Quand tout aura été arrangé, je ferai venir la petite à Mansfield ; vous n’aurez à vous occuper de rien. Pour ma peine, vous savez que je n’y regarde jamais. » Fanny Price arrive donc à Mansfield Park, et Mme Norris est la première à la recevoir. Cinq années se passent. M. Norris est mort, et Fanny Price est toujours sous le toit de sir Thomas. Il semblerait naturel que Mme Norris, restée veuve et seule, se chargeât enfin de la jeune fille. On le lui fait délicatement entendre. « Je croyais, lui dit sa sœur, que vous en étiez convenue avec mon mari. — Moi ! jamais. Je ne lui en ai pas dit un mot, il ne m’en a jamais parlé. Fanny vivre avec moi ? c’est la dernière chose à quoi je penserais au monde. Bonté du ciel ! qu’est-ce que je pourrais bien faire de Fanny ? Moi, une pauvre veuve désespérée, qui ne suis plus bonne à rien, que deviendrais-je avec une fille de quinze ans ? Quand je le souhaiterais pour moi-même, je ne voudrais pas faire ce tort à la pauvre enfant. Elle est en bonnes mains. » Sir Thomas est un peu surpris de voir Mme Norris refuser de faire la moindre chose pour celle qu’elle a adoptée ; mais, à tout prendre, la présence de Fanny Price n’est pas un embarras dans sa maison. Très farouche, très gauche, très ignorante quand elle est débarquée à Mansfield Park, la jeune fille s’est transformée, grâce à l’affection du cadet de la famille, Edmund Bertram. Ses cousines la méprisent, son oncle l’intimide par sa froideur, lady Bertram n’a pas la force de s’occuper d’elle, Mme Norris, sous prétexte qu’elle n’est pas destinée à l’aisance, ne lui épargne ni les duretés ni les privations : l’aimable cendrillon n’en est pas moins devenue peu à peu nécessaire à tout le monde. Il faut qu’elle écoute les doléances de lady Bertrand sur son excellente santé, qu’elle fasse les commissions de Mme Norris, qu’elle serve de repoussoir à l’élégance de ses cousines et qu’elle reçoive les confidences amoureuses d’Edmund Bertram. Ce dernier rôle est le plus pénible de tous, car, il faut l’avouer, Fanny n’est pas parfaite : contre tous les droits de l’hospitalité, elle aime en secret son cousin, et son cousin aime une jeune coquette que le cœur et les principes n’ont jamais beaucoup gênée. Il faudra bien des désappointemens, quelques malheurs même, pour que les choses apparaissent sous leur vrai jour aux différens membres de la famille. Lorsque le fils aîné aura pour jamais compromis sa santé dans les excès, lorsque les filles, adulées par leur tante, ignorées par leur mère, se seront enfuies l’une avant, l’autre après le mariage, lorsque miss Crawford aura bien montré à Edmund Bertram qu’elle n’épousera pas un cadet qui se destine à l’église, lorsque Mme Norris aura couronné tous ses dévoûmens en quittant Mansfield Park au moment de l’infortune, il ne restera, pour consoler sir Thomas et pour épouser son fils, que Fanny Price. L’analyse la plus subtile ne réussirait pas à donner une idée exacte de l’art avec lequel miss Austen a développé les caractères si vrais de ces divers personnages. Jamais elle ne se trahit derrière eux ; elle les laisse agir et parler sans se mêler à leurs actes ou à leur conversation, abandonnant au lecteur intelligent le plaisir de les comprendre et le soin de les juger. Elle ne leur met point d’écriteau sur le front ; c’est à leur allure qu’on les reconnaît. On n’a pas besoin d’être prévenu d’avance que M. Rushworth, le fiancé de miss Bertram, n’est qu’un grand garçon fort bête : il s’annonce lui-même toutes les fois qu’il ouvre la bouche. Mme Grant, la bonne ménagère, peut aussi se passer d’introduction, ainsi que M. Yates, ce jeune homme qui se croit des dispositions à l’art dramatique et qui parcourt les châteaux pour y monter des représentations de société. On peut en dire autant de M. Crawford, l’homme du monde gâté par le succès, qui met tant de gravité dans les choses frivoles, et tant de frivolité dans les choses graves, de Thomas Bertram, l’héritier du domaine, qui parle en maître lorsque son père est absent, et qui doit la plupart de ses vices au privilège du droit d’aînesse. Où miss Austen avait-elle donc vu tous les originaux des portraits qu’elle a peints, vivant comme elle le faisait au village et dans la retraite ? Dans le nombre sans doute il en est qu’elle avait pu rencontrer autour d’elle, mais elle en a deviné davantage encore avec cette intuition mystérieuse qui n’appartient qu’au génie créateur. En effet, ce ne sont pas seulement les sentimens du cœur féminin qu’elle s’entend à démêler ; au rebours de la plupart des romancières, elle est tout aussi à son aise quand il s’agit de représenter des hommes. De même les scènes où elle excelle ne sont pas uniquement celles qu’elle avait chaque jour sous les yeux. Mansfield Park en montre un exemple dans l’épisode qui nous fait faire connaissance avec les parens de Fanny Price. Cette fois ce n’est plus un de ces intérieurs aimables, chers à l’auteur, où la vie s’écoule sans choc, dans le calme du bien-être. Elles ne sortent pas facilement de la mémoire les pages vivantes de réalité où l’on pénètre à la suite de l’héroïne dans cette petite maison de Portsmouth que remplit de ses bruyans ébats une horde d’enfans indisciplinés dans lesquels la jeune fille a plus de honte que de joie à reconnaître des frères et des sœurs. Des cris, des disputes sans fin, les plaintes interminables de la mère sur la difficulté d’avoir des domestiques fidèles, les propos des servantes, les rires des marmots déguenillés, et par-dessus tout la voix du père enrouée par l’usage du grog et des jurons, quel contraste ! « Que le diable emporte les polissons ! comme ils beuglent ! C’est encore Samuel qui crie le plus fort. Ce garçon-là ferait un excellent bosseman. Holà, vous autres, si votre damné sifflet ne s’arrête pas, je vais vous tomber dessus. » Ainsi parle le marin retraité. Tout ce qu’il a trouvé à dire à sa fille, après neuf ans d’absence, c’est qu’elle est bien grandie et qu’il lui faudra sans doute un mari. En revanche il ne tarit pas sur la beauté de la corvette à bord de laquelle son fils est officier. « Avez-vous appris la nouvelle ? La Grive est sortie de rade ce matin. Pardieu, vous arrivez à temps. Le capitaine Walsh croit que vous irez croiser dans l’est avec l’Eléphant. Pardieu, je le voudrais pour vous. Le vieux Schaley disait tout à l’heure que vous pourriez bien être envoyé d’abord au Texel. Mais pardieu vous avez perdu un beau spectacle ce matin. Je n’aurais pas voulu pour mille livres manquer cette occasion-là. Si jamais beauté parfaite a flotté sur l’eau, c’est bien elle. J’ai passé deux heures à la regarder cette après-midi. » Mme Price parle moins haut ; mais, si sa voix est douce et traînante, ses sujets de conversation ne sont pas beaucoup plus variés. La pauvre femme, courbée par l’habitude de la gêne, a pris son parti de tout le reste et ne nourrit plus que deux ambitions en ce monde : trouver du temps dans la semaine pour raccommoder le tapis en loques de son salon et se promener sur les remparts le dimanche. Quant à l’espoir de tenir ses enfans propres ou de garder ses servantes plus de trois mois, elle y a depuis longtemps renoncé. L’auteur, avec la sobriété qui est un des traits de son talent, n’a consacré qu’un petit nombre de chapitres à la peinture de ce ménage troublé par le désordre et par le vice : ils suffisent pour compléter le roman et pour mieux marquer la leçon de morale qui s’en dégage. Car il faut bien le dire, c’est à la grande école des romanciers moralistes que miss Austen se rattache ; c’est par là qu’elle a su plaire à tant d’esprits sérieux qui demandent au roman quelque chose de plus que des tableaux fidèles de mœurs. Chez elle, l’analyse psychologique n’est qu’un moyen. Si elle se donne le plaisir de disséquer ses personnages, ce n’est pas seulement pour satisfaire à une curiosité savante, mais encore pour qu’ils servent d’enseignement aux autres. Ainsi procédait Fielding malgré l’insuffisance de sa morale, malgré la grossièreté des exemples qu’il présentait aux yeux de son lecteur. La ressemblance ne s’arrête pas là. Comme à l’auteur de Tom Jones, on a reproché à miss Austen la vulgarité des caractères au milieu desquels elle semble se complaire. On a dit que le nombre des sots est déjà bien assez grand dans le monde réel sans qu’il soit encore besoin d’en peupler celui de la fiction, et qu’on ne pouvait s’intéresser dans un livre à des êtres ennuyeux qu’on éviterait dans la vie. Cette critique serait fondée, si on ne tenait compte de l’art qui relève la trivialité même en lui donnant je ne sais quoi d’agréable et de littéraire. Il y a là une question de mesure et de goût, et si miss Austen n’a pas toujours su se tenir sur la limite, c’est par excès de vérité qu’elle a failli. Le roman, plus que tout autre genre de littérature, subit les influences de la mode. Ce qui touchait jusqu’aux larmes il y a quarante ans peut faire éclater de rire aujourd’hui, et il est probable que la génération qui suivra la nôtre, aux endroits où nous nous sentons émus, à son tour sourira. L’horrible même n’est pas à l’abri de ces vicissitudes du goût. Les Mystères d’Udolphe depuis longtemps ne font plus frissonner personne, et les Histoires extraordinaires d’Edgar Poë pourraient bien sembler très fades aux lecteurs du XXe siècle. Les romans de miss Austen sont au-dessus de semblables fluctuations, non que tout y soit également admirable, mais parce qu’ils présentent dans leur ensemble quelques-uns de ces caractères qui assurent la durée aux œuvres classiques. À côté des richesses souvent trop éclatantes de l’imagination contemporaine, le talent de l’auteur de Mansfield Park paraît quelquefois un peu terne. On y voudrait plus de grâce, plus d’imprévu, quelque chose d’un peu plus féminin et d’un peu moins impersonnel. Il révèle néanmoins une femme supérieure dont on peut dire, en empruntant à Balzac le mot qu’il s’appliquait à lui-même, qu’elle a porté toute une société dans sa tête.
LÉON BOUCHER. |
III
Mansfield Park, pubblicato nel 1814, può essere considerato come il capolavoro di Miss Austen. Ella vi ha profuso il meglio del suo talento, e l'opera non è lontana da quella felice perfezione alla quale anche lo scrittore più dotato non sempre arriva. Le parti sono ben delineate, e l'intreccio non comprende meno di una ventina di personaggi, tutti con una fisionomia originale, da quelli ai quali l'autrice ha affidato ruoli importanti fino a quelli che non fanno, per così dire, che apparire in scena. Da qui emerge una grande varietà e contrasti molto pungenti. Gli avvenimenti non sono, in verità, più numerosi di quelli delle altre opere della romanziera; sono nondimeno sufficienti allo sviluppo naturale dei personaggi. Non vi si devono cercare situazioni tragiche, grandi disperazioni o emozioni violente: non è il modo di fare dell'autrice. Le dita non sfogliano le pagine del volume con febbrile impazienza, e la curiosità dell'epilogo non fa "saltare venti pagine" per scoprire il finale della storia. La dimora del baronetto Thomas Bertram, nella contea di Northampton, non conosce fermenti volgari. Vi regna l'ordine, e per turbarlo non ci vuole niente di meno di una catastrofe. Ma questa è solo la superficie. Sir Thomas Bertram è l'uomo freddo, educato, poco intelligente ma virtuoso, che sembra essere stato l'ideale del gentiluomo inglese all'inizio di questo secolo, nonché l'oggetto del sarcasmo di Byron. Ha sposato per la sua bellezza una donna che, avendogli dato due figli e due figlie, si è creduta in diritto di abbandonarsi a un'assoluta indolenza per il resto dei suoi giorni. Lady Bertram trascorre tre quarti della sua vita sul divano, tra i suoi ricami e il suo cagnolino, un'immagine molto verosimile dell'apatia sonnolenta e soddisfatta. Ha due sorelle che sono state meno fortunate di lei nella grande lotteria del matrimonio. Una, Miss Price, (19) ha scelto, per amore e per far dispetto alla famiglia, un tenente di marina senza soldi né istruzione, e se non ha il necessario in benessere e denaro, ha il superfluo sotto forma di una numerosa prole. L'altra, Mme Norris, in virtù di quella massima per la quale al mondo ci sono più ragazze graziose che uomini ricchi che le portino all'altare, ha dovuto accontentarsi, dopo una lunga attesa, di un ecclesiastico. La generosità del baronetto ha fatto il resto. Egli ha assegnato al marito della cognata una buona curazia, la cui canonica è situata vicina al suo palazzo, e Mme Norris, che non ha figli, approfitta di questa vicinanza per vivere a Mansfield Park. Fra tutti i personaggi che ha tratteggiato, nessuno fa più onore di Mme Norris alla penna di Jane Austen. Certo, non è difficile essere egoisti, ma dare al proprio egoismo tutta l'apparenza della dedizione e del sacrificio, non pensare mai che a se stessi avendo tutta l'aria di preoccuparsi senza sosta degli altri, è un grado di perfezione al quale si arriva non senza fatica. Tuttavia, Mme Norris sembra esserci arrivata in modo del tutto naturale. Grazie all'apatia della sorella, alla benevolenza un po' ottusa del cognato e alle sue abili lusinghe, ha fatto di Mansfield Park una terra di Canaan dove scorrono latte e miele. Vi regna, con il pretesto di rendersi utile, e, senza prendersi alcun disturbo, è, in ogni circostanza, la prima a raccogliere onori. Quando si tratta di far pervenire alla sorella povera qualche regalo utile, Lady Bertram invia denaro e biancheria e Mme Norris scrive la lettera. È lei la prima ad avere l'idea di aiutare Mme Price prendendosi cura di una delle sue troppo numerose figlie. Nulla di più naturale, visto che lei non ha bambini. Sir Thomas fa qualche obiezione piena di prudenza, ma lei non vuole intendere ragioni: "Vi capisco perfettamente", gli dice, "siete la generosità e la saggezza personificate, e sono certa che in questo non saremo mai in disaccordo. Qualsiasi cosa io possa fare, lo sapete, sarò sempre pronta a farlo per il bene di quelli che amo; e, sebbene non possa certo provare per questa ragazzina la centesima parte dell'affetto che nutro per i vostri cari figli, sarei la prima a odiarmi se fossi capace di trascurarla. Non è forse figlia di una sorella? e potrei sopportare di vederla in miseria, quando sono in grado di offrirle un pezzo di pane? Mio caro Sir Thomas, con tutti i miei difetti ho buon cuore, e, povera come sono, mi priverei del necessario piuttosto che agire senza generosità. Così, se non avete nulla in contrario, scriverò domani a mia sorella per farle la proposta. Quando sarà tutto sarà sistemato, mi darò da fare io per far arrivare la bambina a Mansfield; voi non dovrete occuparvi di nulla. Sapete bene che non mi tiro mai indietro quando si tratta di accollarmi qualcosa." (20) Fanny Price arriva dunque a Mansfield, e Mme Norris è la prima ad accoglierla. Trascorrono cinque anni. M. Norris è morto, e Fanny Price è sempre sotto il tetto di Sir Thomas. Sembrerebbe naturale che Mme Norris, restata vedova e sola, si faccia finalmente carico della ragazza. Glielo si accenna con delicatezza. "- Credevo - le dice la sorella - che aveste sistemato la cosa con mio marito. - Io! mai. Non gli ho mai detto una parola sulla questione, e lui non me ne ha mai parlato. Fanny vivere con me! è l'ultima cosa al mondo a cui avrei pensato. Santo cielo! che me ne farei di Fanny? Io, una povera vedova disperata, incapace di qualsiasi cosa, che me ne farei di una ragazza di quindici anni? Anche se me lo augurassi per me stessa, non farei mai un tale torto alla povera bambina. È in buone mani." (21) Sir Thomas resta un po' sorpreso nel vedere Mme Norris rifiutarsi di fare la minima cosa per colei che ha adottato, ma, tutto sommato, la presenza di Fanny Price non è un peso per la sua casa. Molto timida, molto goffa, molto ignorante quando era arrivata a Mansfield Park, la ragazza si è trasformata, grazie all'affetto del cadetto della famiglia, Edmund Bertram. Le cugine la disprezzano, lo zio l'intimidisce con la sua freddezza, Lady Bertram non ha la forza di occuparsi di lei, Mme Norris, col pretesto che la nipote non è destinata all'agiatezza, non le risparmia né severità né privazioni; nondimeno, l'amabile cenerentola è diventata man mano necessaria a tutti. Deve stare a sentire i lamenti di Lady Bertram sulla sua salute in realtà eccellente, sbrigare le commissioni richieste da Mme Norris, servire da contraltare all'eleganze delle cugine e ricevere le confidenze amorose di Edmund Bertram. Quest'ultimo ruolo è il più penoso di tutti, poiché, bisogna ammetterlo, Fanny non è perfetta; in barba a tutti i diritti dell'ospitalità, ama in segreto il cugino, e il cugino ama una giovane civetta mai infastidita dal cuore e dai principi morali. Ci vorranno delle delusioni, qualche sventura, perché le cose appaiano nella loro giusta luce ai diversi membri della famiglia. Quando il figlio maggiore comprometterà la sua salute con gli eccessi, quando le figlie, adulate dalla zia, ignorate dalla madre, si saranno date alla fuga, una prima e una dopo il matrimonio, quando Miss Crawford avrà fatto capire chiaramente a Edmund Bertram che non sposerà mai un figlio cadetto destinato alla chiesa, quando Mme Norris coronerà la sua dedizione lasciando Mansfield Park quando accade l'infortunio, non resterà, per consolare Sir Thomas e per sposare il figlio, che Fanny Price. Anche l'analisi più sottile non riuscirebbe a dare un'idea esatta dell'arte con la quale Miss Austen ha sviluppato i caratteri così verosimili di questi diversi personaggi. Lei non si intromette mai; li lascia agire e parlare senza intervenire nei loro atti e nelle loro conversazioni, lasciando al lettore intelligente il piacere di comprenderli e l'onere di giudicarli. Non gli mette annunci in fronte; è dal loro fascino che li si riconosce. Non c'è bisogno di sapere in anticipo che M. Rushworth, il fidanzato di Miss Bertram, non è altro che un ragazzo molto stupido: lo annuncia lui stesso ogni volta che apre bocca. Anche Mme Grant, la brava massaia, non ha bisogno di presentazioni, così come M. Yates, quel giovanotto che si crede così dotato per l'arte drammatica e che va in giro per la villa a organizzare la recita. Altrettanto si può dire di M. Crawford, l'uomo di mondo guastato dal successo, che mette molta serietà nelle cose frivole e molta frivolezza nelle cose serie, di Thomas Bertram, l'erede della proprietà, che parla da padrone quando il padre è assente, e che deve la maggior parte dei suoi vizi al privilegio del diritto di primogenitura. Dove dunque Miss Austen ha visto tutti gli originali dei ritratti che ha dipinto, vivi come li creava, sia nel villaggio natale che nell'ultimo rifugio? Tra loro ce n'è senza dubbio qualcuno di quelli che le vivevano intorno, ma lei è andata oltre, con quell'intuizione misteriosa che appartiene solo al genio creatore. In effetti, non è solo nei sentimenti femminili che riesce a districarsi; contrariamente alla maggior parte delle romanziere, è completamente a suo agio anche quando si occupa di uomini. Allo stesso modo, le scene dove eccelle non sono solo quelle che aveva tutti i giorni sotto gli occhi. In Mansfield Park ce n'è un esempio nell'episodio in cui facciamo conoscenza con i genitori di Fanny Price. Questa volta non si tratta di quegli interni piacevoli cari all'autrice, dove la vita trascorre senza traumi, nella calma del benessere. Non è facile dimenticare le pagine piene di realismo in cui si entra al seguito dell'eroina in quella piccola casa di Portsmouth, piena delle rumorose capriole di un'orda di bambini indisciplinati, tra i quali la fanciulla prova più vergogna che piacere nel riconoscere fratelli e sorelle. Le urla, le dispute senza fine, i lamenti interminabili della madre sulla difficoltà di trovare una domestica fedele, i commenti della servitù, le risate di marmocchi cenciosi, e soprattutto la voce del padre, arrochita dall'uso del grog e delle imprecazioni; che contrasto! "Il diavolo si porti questi furfanti! Senti come strillano! Sì, e la voce di Sam più forte di tutti. Quel ragazzo diventerà un eccellente nostromo. Ehilà, dico a voi, se non chiudete quel dannato becco ve la farò vedere io." Così parla il marinaio a riposo. Tutto quello che trova da dire alla figlia, dopo nove anni di assenza, è che è cresciuta e che ha senza dubbio bisogno di un marito. D'altro canto, non lesina parola sulla bellezza della corvetta a bordo della quale suo figlio è sottufficiale: "Hai sentito le novità? La Thrush è uscita dal porto stamattina. Perdio, sei arrivato in tempo. Il capitano Walsh ritiene che vi dirigerete a ovest, insieme all'Elephant. Perdio, vorrei che fosse così! Il vecchio Scholey stava dicendo proprio ora che è probabile che vi mandino prima a Texel. Ma perdio, ti sei perso un bello spettacolo stamattina. Non me lo sarei perso nemmeno per mille sterline. Se mai c'è stata una bellezza perfetta a galla, è proprio lei. Questo pomeriggio sono stato a guardarla per due ore." (22) Mme Price parla a voce meno alta, ma, se la sua voce è dolce e monotona, gli argomenti di conversazione non sono molto più vari. La povera donna, piegata dagli stenti, ha rinunciato a tutto e non nutre che due ambizioni: trovare il tempo durante la settimana per rammendare i tappeti a brandelli del salotto e fare una passeggiata sui bastioni la domenica. Quanto alla speranza di tenere buoni i bambini o di tenere le domestiche più di tre mesi ci ha rinunciato da tempo. L'autrice, con la sobrietà che è una delle caratteristiche del suo talento, ha consacrato pochi capitoli alla descrizione di questo focolare domestico agitato dal disordine e dal vizio; sono comunque sufficienti per rendere più completo il romanzo e per rimarcare meglio la lezione morale che se ne trae. Perché bisogna dirlo: è alla grande scuola dei romanzieri morali che si collega Miss Austen; è per questo che ha saputo soddisfare tante menti profonde che chiedono al romanzo qualche cosa di più che fedeli scenari di costume. In lei l'analisi psicologica non è che un mezzo. Se si concede il piacere di sviscerare i suoi personaggi, non è soltanto per soddisfare una dotta curiosità, ma anche perché serva d'insegnamento agli altri. Così procedeva Fielding, malgrado l'insufficienza della sua morale, malgrado la grossolanità degli esempi che presentava agli occhi dei suoi lettori. La somiglianza non si ferma qui. Come all'autore di Tom Jones, si è rimproverata a Miss Austen la volgarità dei caratteri in mezzo ai quali sembra compiacersi. Si è detto come il numero degli sciocchi sia già assai grande nel mondo reale senza che ci sia ulteriore bisogno di accrescerlo nella finzione, e che in un libro non ci si può interessare a delle persone noiose che nel mondo reale si eviterebbero. Questa critica sarebbe fondata se non si tenesse conto dell'arte che innalza la trivialità, donandole un non so che di gradevole e di letterario. È una questione di misura e di buongusto, e se Miss Austen non sempre sapeva restare entro i limiti, è per eccesso di verità che falliva. Il romanzo, più di tutti gli altri generi di letteratura, subisce l'influenza della moda. Ciò che quarant'anni fa suscitava le lacrime oggi può far sbellicare dalle risate, ed è probabile che la generazione dopo la nostra a sua volta sorriderà delle cose che a noi emozionano, L'orribile non è affatto al riparo da queste vicissitudini del gusto. Da tempo I misteri di Udolpho non spaventano più nessuno, e le Storie straordinarie di Edgar Poë potrebbero benissimo sembrare molto sbiadite ai lettori del XX secolo. I romanzi di Miss Austen sono al di sopra di simili oscillazioni; non che tutti siano ugualmente apprezzabili, ma tutti hanno sempre qualcuno dei personaggi che assicurano la durata delle opere classiche. A fianco della sovente troppo scintillante immaginazione contemporanea, il talento dell'autrice di Mansfield Park appare talvolta un po' flebile. Si vorrebbe più grazia, più presenza di imprevisti, qualcosa di un po' più femminile e di un po' meno impersonale. Ma nonostante ciò, quel talento rivela una donna superiore, della quale si può dire, prendendo in prestito da Balzac la frase che lui applicava a se stesso, che ha tutto un mondo nella sua testa.
LÉON BOUCHER.
(1) James Edward Austen-Leigh, Ricordo di Jane Austen, cap. VII. (2) Thomas Babington Macaulay, recensione a Diary and Letters of Madame D'Arblay, "Edinburgh Review", N° CLIV, January 1843, pagg. 523-570, dove si legge: "Tra gli scrittori che, riguardo al punto che abbiamo descritto, si sono avvicinati maggiormente allo stile del grande maestro, non abbiamo nessuna esitazione a indicare Jane Austen, una donna della quale l'Inghilterra è giustamente fiera. Ci ha donato una moltitudine di personaggi, tutti, in un certo senso, comuni, tutti come possiamo incontrarne ogni giorno. Eppure sono tutti perfettamente distinti l'uno dall'altro come se fossero i più stravaganti tra gli esseri umani." Madame D'Arblay era Fanny Burney, che nel 1793 aveva sposato un generale francese in esilio, Alexandre D'Arblay. (3) L'abbazia di Northanger, incipit. (4) James Edward Austen-Leigh, Ricordo di Jane Austen, cap. I. (5) In realtà i fratelli di JA erano sei. Nella sua biografia, il nipote James Edward non cita il secondogenito, George come il padre, che era forse sordomuto o affetto da un qualche handicap mentale o fisico, e visse sin dall'infanzia lontano dalla famiglia, che ne pagava il mantenimento. (6) Eliza Hancock, figlia di una sorella del reverendo Austen, aveva sposato nel 1791 Jean Capote de Feuillide, ghigliottinato nel 1794 con l'accusa di aver tentato di far evadere un prigioniero. Il preteso titolo nobiliare non è mai stato accertato. (7) La citazione è da una lettera di Mary Russell Mitford del 3 aprile 1815 a Sir William Elford, apparsa in The Life of Mary Russell Mitford, related in a selection from her letters to her friends, a cura del rev. A. G. L'Estrange, 3 voll., 1870, vol. I, pagg. 305-306. Di questa lettera parla James Edward Austen-Leigh nel poscritto alla prima edizione della biografia della zia, poi eliminato nelle edizioni successive (vedi il Ricordo di Jane Austen, cap. XIV). (8) Edward Austen era in realtà il terzo figlio; il secondo era George (vedi la nota 5). (9) Vedi la lettera del rev. Austen a Thomas Cadell del 1° novembre 1797. All'epoca il manoscritto aveva ancora il titolo First Impressions. (10) Il cappellano, anche bibliotecario di Carlton House, la residenza del principe reggente citata subito dopo, era James Stanier Clarke. Per il suggerimento di Clarke e la risposta di JA vedi la lettera di Clarke del 27 marzo 1816 (138(A)) e quella di JA del 1° aprile 1816 (138(D)). (11) Qui Boucher cita le famose parole contenute in una lettera del 16-17 dicembre 1816 al nipote James Edward Austen-Leigh (L146), riportate sia nella Nota biografica sull'autore di Henry Austen sia nel Ricordo di Jane Austen del nipote (cap. XI) (12) Vedi la nota 1* al Ricordo di Jane Austen. (13) Gretna-Green era una cittadina scozzese vicino al confine dell'Inghilterra. Visto che in Scozia, a differenza dell'Inghilterra, i minorenni potevano sposarsi anche senza l'assenso dei genitori, era la tappa più comune per i giovani innamorati. È citata nei capitoli 46 e 47 di Orgoglio e pregiudizio in relazione alla fuga di Lydia con Wickham. (14) Qui Boucher cita nuovamente, e piuttosto liberamente, l'articolo di Macaulay descritto nella nota 2. (15) Clarissa, or, the History of a Young Lady, di Fanny Burney, e The History of Sir Charles Grandison di Samuel Richardson. (16) Ragione e sentimento, cap. 2. Nella traduzione italiana, qui e in altri casi, ho seguito la versione francese utilizzata da Boucher. (17) Orgoglio e pregiudizio, cap. 1 (18) Orgoglio e pregiudizio, cap. 19 (19) Qui Boucher usa erroneamente l'appellativo "Miss" seguito dal cognome del marito di quella che era stata Miss Frances (Fanny) Ward. |